La monographie de 1887 de la commune de Laslades
Hautes-Pyrénées
département 65.

(ADHP - Monographie établie en 1887)




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Laslades est une petite mais agréable commune du département des Hautes-Pyrénées, faisant partie du canton de Pouyastruc et située à l'est de Tarbes, sur le versant oriental d'une colline qui se détache des Pyrénées et qui court dans le sens septentrional jusqu'à Rabastens où elle va se perdre. Elle est entourée par des communes de peu d'importance ; au sud, par la commune de Lansac, formant la limite méridionale du canton ; à l'est, par les territoires de Gonez et de Coussan, situés sur une colline parallèle à la première, au nord par Souyeaux et, au couchant, par Sarrouilles.


Elle s'étend de l'ouest à l'est sur une longueur de près de cinq kilomètres. Sa largeur, très forte à l'occident, (deux kilomètres cent trente mètres environ), diminue insensiblement à mesure qu'on avance vers l'est, de telle sorte que, vers le centre du village, elle n'est plus que de neuf cent dix mètres. Elle décroît encore pour n'être plus, au levant, que de cinq cent soixante mètres.


Laslades fait partie du canton de Pouyastruc. Cinq kilomètres seulement la séparent du chef-lieu auquel elle est jointe par la belle route de Rabastens à Bagnères-de-Bigorre. Cette route traverse la commune un peu au levant du centre principal, continue dans une jolie plaine de champs cultivés qui produisent de magnifiques moissons ; sur ses bords sont groupées un certain nombre de maisons des villages de Souyeaux et de Hourc : le voyage de la commune au chef-lieu de canton est des plus agréable.

Elle fait partie de l'arrondissement de Tarbes, chef-lieu du département, d'où elle est éloignée de neuf à dix kilomètres.


La route qui conduit à Tarbes est belle, bien qu'accidentée, et très pratiquée par les habitants d'un grand nombre de communes situées au levant. La rencontre de nombreux voyageurs avenants et quelque peu bavards au besoin fait oublier parfois la longueur du chemin et les difficultés produites par deux côteaux à traverser ; la route y fait deux longs détours qui, adoucissant la pente, permettent d'avancer sans difficulté. Ces côteaux sont couronnés de forêts ; pendant l'été, les piétons peuvent séjourner quelques instants sous un frais ombrage et se désaltérer à quelque source d'eau pure, fraîche et inoffensive. Des sentiers formant à peu près ligne droite avec la route permettent encore aux voyageurs à pied, même à cheval, de suivre un chemin direct, mais plus abrupt. Ce n'est plus dix kilomètres à parcourir dans ce dernier cas, mais de sept à huit seulement.


Laslades se trouve bâtie sur deux côteaux se détachant de la colline principale du couchant. Assez élevés à leur naissance, ces deux côteaux diminuent progressivement de hauteur jusqu'à la route transversale où ils vont s'éteindre ; au levant s'étend une plaine assez vaste et très agréable, coupée par deux vallées très étroites et peu profondes. Les collines sont formées d'un terrain siliceux très caillouteux.

Sur le versant méridional surtout, la vigne y pousse très bien.

Le versant septentrional, formé de terre plus légère et noirâtre, est en partie recouvert de landes, de châtaigneraies et de futaies qui avancent presque jusqu'au centre du village. Çà et là, au fond des vallées, s'étendent sur une étroite largeur quelques parcelles de pré assez productives, mais dont la qualité du fourrage laisse un peu à désirer. Très humides, elles produisent des joncs en trop grande abondance pour que la production soit bien estimée.

Vers le centre du village, le terrain devient plus argileux et constitue ce que l'on appelle une terre forte. C'est la partie la mieux cultivée et la plus fertile. On y voit tour à tour suivant la saison de grandes étendues de céréales : froment, blé, seigle, maïs ou pommes-de-terre ; des prés qui ne le cèdent en rien, dans de bonnes années, aux prairies des plaines de l'Adour, au point de vue de la quantité et de la qualité de la production. Là se trouvent encore de beaux jardins bien entretenus, clos par des haies vives en buis ou en aubépine taillées chaque année avec un goût rare.

Plus loin, vers le levant, on remarque une jolie plaine formée de terre plus sablonneuse que la précédente mais encore excellente pour les céréales. Ce quartier est parsemé de prairies établies le long de trois petits ruisseaux qui les arrosent pendant les saisons pluvieuses. Et entre ces lisières fourragères se trouvent des terres légères mais très fertiles. Quelques parcelles plantées en vignes augmentent encore l'agrément de ces parages. Enfin, reparaît la forêt communale dont une petite languette de futaie arrive jusqu'au coeur du village. A la suite le taillis recommence et s'étend sur toute la largeur. Quoique la commune ne présente pas de curiosités naturelles, l'aspect du pays est charmant. Au couchant, sur le versant oriental de la colline et à quelque cinq cents mètres de la route de Tarbes, se trouve une hauteur formant un point de vue remarquable. Par un temps serein, les regards s'étendent à une grande distance au couchant sur la plaine de l'Adour, au sud jusqu'à la chaîne des Pyrénées, au levant, sur une immense étendue, ils plongent dans les vallées de l'Estéous et de l'Arros pour se relever vers les pays vinicoles de Peyriguère, Castelvieilh, Bouilh-Péreuilh et arriver jusqu'au près de Rabastens.

Ce mamelon est paraît-il considéré par les militaires comme un point stratégique assez important vu que les artilleurs viennent fréquemment y faire la manoeuvre. Il s'étale au nord et au sud en pentes raides pour former deux profondes et pittoresques vallées.


Le sol est comme nous l'avons dit plus haut superficiellement formé sur la pente des côteaux de terrains siliceux bien conditionnés pour la culture de la vigne ; la plaine est généralement argileuse, d'une culture difficile. On trouve dans les bois soit au levant, soit au couchant, des marnières d'où l'on extrait, toutes les années, une assez importante quantité de marne avec laquelle on amende les champs.


Les cours d'eau ne sont ni nombreux ni importants : on trouve seulement trois petits ruisseaux qui prennent naissance au couchant sur le versant oriental du côteau principal, coulent parallèlement vers le levant, divisant la commune à leur début, en trois bandes à peu près d'égale largeur.

En allant du sud au nord, on trouve le ruisseau du Lécaya, formant la ligne de démarcation entre Laslades et Lansac. Il serpente dans une allée peu profonde où il arrose pendant l'hiver des prairies qu'il côtoie ; il va ensuite se jeter dans l'Arrêt petite rivière qui touche à peine au terroir de Laslades et va mêler ses eaux à celle de l'Arros.

Un second ruisseau suivant la même direction que le précédent jaillit d'une source située dans la forêt communale qu'il traverse sur une grande longueur ; il passe au centre du village et continue son cours vers l'est pour aller se joindre au premier, à une petite distance de son confluent avec la rivière dont nous avons parlé.

Enfin le troisième se trouve tout à fait au nord et forme la limite septentrionale de la commune sur une grande étendue. On le désigne vers sa source sous le nom de ruisseau de Yous et plus loin sous celui de Rance. L'Ousse qui descend des hauteurs de Montignac et Barbazan-Debat a déjà parcouru huit ou neuf kilomètres lorsqu'elle vient toucher au territoire de Laslades qu'elle limite au couchant. Ces minces filets d'eau sont alimentés par des sources dont le débit est très faible ; ils restent à sec pendant une grande partie de l'année. Ce sont de petits torrents : les pluies, les orages, vu le peu de profondeur de leur lit, suscitent souvent des débordements qui dégradent les prairies ou les terres envahies par leurs eaux.


Les eaux potables sont fournies par un grand nombre de fontaines et de puits que les propriétaires ont fait construire dans leurs basses-cours ou leurs enclos. Cependant comme tous les habitants n'ont pu en établir en raison de leur position malaisée, la commune est venue à leurs secours en faisant creuser et entretenir à ses frais quatre puits communaux, établis dans les quatre principaux quartiers : Ils ont des sources abondantes, rarement taries, et dont l'eau est excellente.


L'altitude moyenne de Laslades est de 32 mètres environ. Le climat est doux et tempéré. Les vents les plus fréquents sont les vents d'ouest et du nord-est. Ils sont remarqués par les habitants qui peuvent prévoir les changements de température suivant leur direction. Au sommet du clocher se trouve un coq métallique fixé perpendiculairement à une girouette. Quand on demande à un habitant quel temps il présage, ses regards se tournent immédiatement vers la flèche du clocher et il vous répond d'une manière convaincue :

" Le coq regarde vers le nord-ouest , nous aurons beau temps ".

C'est le vent nord-est qui souffle.

Si au contraire le gallinacé est tourné vers le sud, vous entendez :

" Le coq regarde le Pic du Midi nous devons attendre la pluie ".

C'est le vent d'ouest qui souffle.


Ces prévisions se réalisent le plus souvent. Il est constaté qu'en effet les vents d'ouest amènent la pluie, tandis que le vent nord-est, tempéré, est signe de beau temps.

Les pluies sont ordinairement très fréquentes en automne et au commencement du printemps ; elles sont assez abondantes en toute saison pour donner à la terre l'humidité dont elle a besoin. Néanmoins, on a vu quelquefois la sécheresse sévir pendant une grande partie de l'année et les sources tarir vers le mois de septembre.

La température moyenne est de 28° et les deux extrêmes ne dépassent guère 8° au dessous de zéro et 37° au dessus.

Laslades est très bien partagé pour la salubrité. Rarement des maladies pestilentielles y ont sévi. Ainsi en 1871, année où la petite vérole a fait tant de victimes dans les environs, pas une personne n'a été atteinte dans la commune. Cela tient-il à la situation géographique ou aux moeurs, on ne sait, mais toujours est-il que la population n'a pas eu depuis longtemps à souffrir des épidémies.

II


Il est vrai que cette population n'est pas nombreuse ; elle atteint le chiffre de 341 habitants d'après le dernier recensement. Après avoir été de 350 et au dessus, elle était descendue en 1881 à 320. Nous voyons qu'elle a gagné 21 habitants dans les cinq dernières années.

On explique cet accroissement par la rentrée de quelques familles pauvres qui étaient allées s'établir en ville espérant y améliorer leur situation. Elles ont reconnu leur erreur et ont regagné la commune sans avoir réussi à faire disparaître le malaise dans lequel elles se trouvaient, heureux encore si leur position n'est devenue plus précaire.

La population tend à rester stationnaire autant qu'on peut le prévoir. Ce n'est pas que l'on trouve des familles nombreuses comme par le passé, non ; car, soit par spéculation, soit pour tout autre motif, le nombre des enfants tend à diminuer ; mais Laslades possède des biens communaux dont les habitants pauvres surtout retirent quelques produits qu'ils vont vendre au marché de la ville.

Les voies de communication permettent aussi quelque petit commerce aidant les habitants à se procurer le nécessaire. Relativement aux divisions, on peut dire que la commune n'en possède pas de bien distinctes.

Les habitations sont éparses ; on en trouve à près de deux kilomètres du centre principal, mais elles ne forment pas pour cela des sections ou quartiers différents ; on a cependant divisé le village en deux parties par rapport à des services organisés dans la commune ou pour plus de facilité dans le dénombrement. On a donné au quartier situé au couchant du chemin transversal qui conduit à l'église le nom de Marque-Darré et à celui qui se trouve au levant le nom de Marque-Devant. Dénomination tout à fait arbitraire due à la fantaisie de ceux qui l'ont employée et que rien ne justifie.

Si nous considérons cette division, nous trouvons que le nombre de feux et le chiffre de la population est partagé par moitié à peu près. Il est compris, vu la disposition précédente que la commune ne forme qu'un seul collège électoral et, considéré le nombre de ses habitants, qu'elle est administrée, comme ses pareilles, par un maire assisté d'un conseil municipal composé de dix membres seulement.


Elle a cependant une école de garçons et une école de filles qui existent depuis longtemps. Quant aux cultes, elle possède un desservant qui fait en même temps le service de la commune voisine de Lansac.

Elle fait partie de la perception de Pouyastruc. Le percepteur réside non au chef-lieu de canton mais à Tarbes. Cela n'a aucun inconvénient car nos paysans se rendent beaucoup plus souvent au chef-lieu de l'arrondissement qu'au chef-lieu de canton et trouvent plus facile d'aller acquitter le montant de leurs contributions à Tarbes. D'ailleurs ils ne seraient pas obligés à des déplacements car le percepteur fait des tournées trimestrielles dans les communes.

Elle est desservie par le bureau de poste de Pouyastruc auquel est annexé un bureau télégraphique. Un facteur rural fait le service journalier de la poste et un agent spécial est à la disposition de la directrice quand il s'agit de poster des télégrammes.

Le centime communal égale 12f.60 et les revenus ordinaires atteignent de 4200 à 4300 francs.

III


Les céréales forment le principal produit agricole de la commune. Les trois quarts au moins des terres sont labourables et destinées à leur culture. Les plus communes sont :

1°- le blé ou froment que l'on sème dans la dernière quinzaine d'octobre ou au commencement de novembre. La récolte se fait au mois de juillet. Le rendement est généralement moyen. La moitié ou peu s'en faut des labours est semée en froment.

2°- le seigle qui n'occupe pas une grande place dans la culture. Chaque propriétaire en sème rarement plus d'un journal (mesure du pays équivalent à 25 ares 50), juste de quoi récolter la paille nécessaire à faire les liens pour les gerbes de la moisson tout entière .

3°- le méteil mélange de blé et de seigle, que l'on cultivait jadis à la place du blé seul. Ce produit a presque disparu.

4°- l'orge qui se cultive à peu près dans la même proportion que le seigle. Autrefois, on l'employait à faire du pain. Sa farine mêlée en petite quantité à celle du froment produisait un pain noir agréable au goût. Cet usage a cessé et on n'emploie plus cette graminée qu'à la nourriture des bestiaux.

5°- l'avoine que les grands propriétaires seulement cultivent. Le grain est conservé pour les chevaux ou vendu à la ville voisine, et la paille est liée en gerbes après le battage, soigneusement serrée dans les greniers à foin. On la donne à manger aux bêtes à cornes pendant l'hiver, seule ou mêlée avec du foin.

6°- le maïs qui vient très bien. Il forme une récolte aussi importante que celle du froment. Il est spécialement employé à l'engrais des animaux. Cependant, dans un grand nombre de maisons on se sert encore de sa farine pour faire unes espèce de pâte d'un bon goût que les habitants préfèrent à la soupe pendant les saisons froides.

7°- enfin la pomme de terre. Ce produit a eu un accès difficile dans la commune. IL n'y a pas trente ans, les habitants n'en tenaient aucun compte ; ils ? guère ; ils disaient que la pomme-de-terre était destinée seulement aux animaux. Ils n'en plantaient que quelques rangées au bout d'un champ de maïs, là où la terre est le moins fertile. IL y a une quinzaine d'années, ils se sont aperçus de son immense service pour l'engrais et aujourd'hui chaque propriétaire en ensemence de trois à six journaux et il les cultive d'une manière irréprochable.

Ajoutons à l'énumération précédente quelque peu de lin, les légumes ; choux, pois, haricots, fèves, et nous aurons mentionné les principales cultures.


Les procédés de culture employés sont eux de tous les pays situés sur les côteaux. On a adopté un assolement biennal pour les terres les plus fertiles se trouvant ordinairement dans les enclos ; pour les terrains éloignés qui sont souvent moins productifs ou applique l'assolement triennal. De cette manière on fait des jachères suivies de deux récoltes successives. De nombreux arbres fruitiers décorent nos jardins ou les alentours de nos habitations.


Les bois et forêts de Laslades occupent environ, hectares dont 125 de bois taillis et 45 de futaie. Sur cette quantité il y a 150 hectares environ de bois communaux. Le taillis est divisé en 25 coupes affouagères. Une de ces coupes est exploitée chaque année et produit ordinairement de 1600 à 1700 francs. Le chêne est l'essence principale ; cependant, on trouve le long des ruisseaux des aunes assez beaux, mais en petite quantité. Quelques hêtres apparaissent aussi éparpillés çà et là sur les hauteurs. A l'exception de huit ou dix hectares de futaie destinés au passage, toute l'étendue du bois est soumise au régime forestier.


Les vignes comme nous l'avons dit, recouvrent en partie le versant méridional des deux côteaux ; elles sont plantées sur d'anciennes landes défrichées ; elles sont très bien exposées. Elles donnaient, il y a quelques années un petit vin blanc très agréable et assez estimé ; il était même assez alcoolique pour nous donner de temps à autre l'occasion de rencontrer quelques adorateurs de ce jus titubeux sur le chemin. Chaque propriétaire possède au moins la quantité nécessaire à la consommation de sa maison, mais depuis deux ou trois ans le rapport a diminué très sensiblement, et des habitants qui autrefois pouvaient vendre la moitié de leur récolte doivent aujourd'hui boire de la piquette ou de l'eau pendant une partie de l'année. Ce n'est cependant pas que la vigne soit phylloxérée, non. Ce phylloxéra ne nous a pas encore atteints, quoiqu'on prétende qu'il n'est pas à cinq kilomètres pendant deux années de suite. Maintenant tout le monde va le combattre par le sulfate de cuivre ; le danger sera conjuré, mais il est à craindre que le rapport ne soit pas cependant ce qu'il devrait être. Il a été remarqué que la vigueur de la vigne diminue et cela se comprend. Nos cultivateurs n'y apportent pas les soins nécessaires. Point de fumier, point de chaux pour l'amender. Or, la vigne épuise la terre comme toutes les plantes, et on ne renouvelle jamais ses éléments nutritifs. Espérons que nos paysans s'appliqueront enfin à soigner la vigne et que nous reverrons un jour notre bon vin généreux pétiller dans nos verres.


En fait d'animaux, la commune possède beaucoup de bêtes à cornes. La majeure partie des propriétaires ont une paire de boeufs pour le gros travail et des vaches en rapport de leur aisance. Ils élèvent ces dernières surtout pour les veaux qu'elles leur donnent ; ces produits sont engraissés et vendus à six ou sept mois.

Les chevaux ne sont pas en grande quantité une vingtaine de juments seulement se trouvent dans la commune chez les meilleurs propriétaires. On les tient pour en retirer des mulets que les Espagnols viennent acheter sur nos champs.

Il faut ajouter une grande quantité d'ânesses qui sont élevées non seulement à cause de leurs produits mais encore pour le transport des fardeaux, soit à dos, soit attelées.

Les bêtes à laine formaient autrefois de nombreux troupeaux dans la commune. Aujourd'hui, soit à cause de la difficulté du pacage, soit en raison des maladies qui atteignent l'espèce ovine, ils sont réduits à trois ou quatre de peu d'importance.

Citons en outre les cochons, que l'on élève en grande quantité, et la volaille très estimée de nos ménagères qui en retirent un grand revenu.


Une des plus agréables distractions de nos villageois est exposée à disparaître. Je veux parler de la chasse. Jadis, le pays était très giboyeux. On y trouvait même des animaux dangereux. Les vieillards ont vu dans leur bas-âge des loups qui leur donnaient beaucoup de soucis. Un d'entre eux raconte que, un jour, pendant qu'il jouait avec ses amis à l'entrée du bois, un loup tua une vingtaine de bêtes de leurs troupeaux. Il assure même que les moutons dont s'était approché cet animal carnassier le suivaient lorsqu'il était chassé par les bergers. Ces faits, il certifie les avoir vus. Ces bêtes féroces ont depuis longtemps disparu. Il n'en est vraiment pas dommage.

Mais nous avions beaucoup de gibier : lièvres, lapins, cailles, bécasses, perdreaux étaient si nombreux que, suivant les saisons, le pays en regorgeait, tout le monde chassait. Il y avait alors des tireurs renommés dont on parle encore. Aujourd'hui, tout a disparu ; les lièvres et les lapins sont excessivement rares, des perdreaux on n'en voit plus ; des cailles et des bécasses, quelques unes, mais si peu qu'il n'est pas la peine aux paysans d'aller perdre leur temps à leur recherche. Tout ce qu'ils pourraient trouver si c'était commode, ce serait des renards ; ces animaux sont beaucoup trop nombreux ; ils dévastent nos poulaillers. Mais hélas ! on ne les prend pas si facilement, et c'est le plus grand des hasards quand un chasseur peut ajuster un de ces quadrupèdes. Nos forêts sont remplies de terriers. Quelques blaireaux sont remarqués par leurs dégâts dans les champs de maïs à l'époque de la maturité de cette récolte.

A côté de ces animaux malfaisants, nous devons citer le sanglier qui vient d'apparaître dans nos parages il y a deux années. Il reste dans les fourrés de nos bois et ravage les champs de maïs ou de pommes-de-terre qui sont à sa portée. IL tend à disparaître parce que l'étendue de nos bois n'est pas assez considérable.


Les cours d'eau sont si peu importants qu'on n'y trouve pas de poisson. Laslades poss&egarave;de seulement un tout petit moulin, situé au levant sur la rivière de l'Arrêt. Il ne fonctionne que pendant l'hiver, la rivière ne produit pas assez d'eau pendant l'été pour le faire marcher.


La commune ne possède pas de voie ferrée.

Deux routes construites en 1836 s'y coupent perpendiculairement : celle de Bagnères-de-Bigorre à Rabastens, sur laquelle sont établis deux ponts sans importance et celle de Trie à Tarbes.

Une diligence faisant deux ou trois voyages par semaine arrive de Trie à Tarbes. C'est le seul moyen de transport public pour les habitants éloignés de ces deux villes. Nos paysans profitent rarement de cette occasion : ils ont à leur disposition des cabriolets ou bien ils vont prendre le train à la station de Lespouey-Laslades située à un kilomètre seulement de notre localité.


Tous les propriétaires ou peu s'en faut retirent de la terre les produits nécessaires à l'existence de leurs ménages. Les plus forts contribuables peuvent de temps à autre vendre quelque peu de blé, de maïs, d'avoine et de pommes-de-terre, mais en considérant que quelques-uns des plus malaisés sont obligés d'acheter leur pain de chaque jour, on peut dire que la commune se suffit à peine.

La meilleure partie du revenu est généralement fournie par le bétail.

Les foires et marchés les plus fréquentés par les gens de Laslades sont Tarbes, Tournay, Trie et Rabastens.

Comme mesures locales encore en usage on ne cite que le quintal qui est encore évalué à 50 kilos.


Laslades tire son nom sans nul doute des landes qui jadis recouvraient la plus grande partie de son territoire. Il aurait été nommé d'abord village de las Lannes (nom patois) ; l'expression française venant plus tard aurait transformé son nom en las Landes, et par corruption, il serait devenu Laslades. La position ancienne de Laslades justifie ce que nous venons d'avancer.

Les vieillards d'aujourd'hui se rappellent que leurs grands pères et arrières grands pères, tous hommes très communicatifs, aimant à instruire leurs descendants, leur avaient souvent dit que la commune était autrefois située sur la colline du couchant. Ces vieillards à qui leur âge ne permettait plus de s'occuper des travaux pénibles de la campagne, allaient garder les moutons et se faisaient suivre de leurs petits enfants. Avec une tendresse toute paternelle ils leur racontaient ce qui s'était passé dans l'ancien temps. D'après leurs récits, la commune aurait été pendant de longues années huchée au sommet de la colline et sur les deux côteaux qui s'en détachent. Ils avaient vu les ruines d'une maison située au quartier de l'Estélet ; à sa place se trouve aujourd'hui un chêne séculaire.

A proximité de Tarbes, Laslades dut subir probablement les maux et les ravages des querelles religieuses du XVI ème siècle, auxquelles ses habitant s ont certainement pris part. Le défaut d'archives, d'ouvrages et de monographies, ne nous permettent pas de justifier ces assertions. Mais ce que nous avons entendu rapporter, c'est qu'un chef de bande avait été tué avec ses acolytes sous le chêne qui se trouve au sommet de la côte de Souyeaux et que les habitants de Laslades avaient pris part au combat.

Il est en effet certain qu'en 1574, Lizier, le fils du charcutier de Montauban, était venu à Tarbes, y avait établi son quartier général d'où il pressurait les campagnes avoisinantes. Il ravageait la plaine de l'Adour. Le gouverneur de Bagnères étant tombé dans un guet-apens qu'il lui avait tendu. Il avait résolu de continuer ses incursions sur les côteaux et de livrer Boulin au pillage. Mais une légion recrutée dans les villages environnants et dont les habitants de Laslades faisaient partie, se forme sous le commandement du chevalier de Mun, dont le castet se trouve sur la colline qui borne à l'ouest le bassin de l'Arros, dans le village actuel de Mun. La troupe s'embusque dans le bois de Souyeaux qui couvre la colline du couchant, et quand Lizier passe avec sa bande au signal donné, on se précipite sur l'ennemi. Le combat fut vif, paraît-il, mais le chevalier de Mun, ayant frappé Lizier au coeur, celui-ci tomba ; sa troupe se débanda et la victoire resta aux paysans.


Vers l'an 1589, la peste sévit avec la plus grande intensité dans la commune. Les animaux d'abord furent atteints et moururent. IL n'en restait pas pour travailler la terre, alors on fit élever à St Roch une chapelle dont les murs ont été vus par les vieillards de nos jours au sommet du côteau, tout près de la route départementale de Tarbes. Les habitants furent à leur tour frappés par l'épidémie et croyant qu'un sort ou maléfice avait été jeté sur la commune, ceux qui restèrent quittèrent le sommet du côteau et transportèrent leur résidence à 1500 mètres ou 2 kilomètres au levant, là où se trouve le village actuel.


Avant 1789, le territoire de Laslades, d'après ce que l'on raconte, appartenait en grande partie à la baronnie de Luc dont le dernier représentant s'appelait croit-on Arrous ou Larrous de St Michel. Émigra-t-il ou fut-il tué pendant la Révolution, on ne sait, mais toujours est-il que Laslades prit possession des bois qu'il possédait dans la commune. Cependant Sarrouilles, la commune voisine en revendiqua une partie sur le versant occidental de la colline. Il y eut un procès. L'influence de quelques gros bonnets donna gain de cause à Sarrouilles et Laslades lui céda une partie de sa forêt. Des délégués avaient été nommés par les communes pour faire valoir leurs droits respectifs et au retour de ceux de Laslades qui avaient perdu leur cause, des malins inventèrent que au moment où l'affaire devait se plaider, des gens payés par leurs concurrents les avaient invités à un bon dîner qu'ils acceptèrent, après ils s'étaient laissés conduire dans un bal où ils dansèrent de bon coeur. Après avoir exécuté force entrechats avec la plus fine élégance, nos bonshommes se souvinrent enfin que leur mandat de délégués les appelait à l'audience, mais trop tard. Ils avaient gaiement perdu leur procès. Soit à tort ou à raison, à leur retour ils furent tournés en ridicule et une chanson patoise composée pour cette circonstance retentit longtemps à leurs oreilles.


L'année 1814 fut marquée par le passage des Anglais et Espagnols qui marchaient sur Toulouse poursuivant nos soldats vaincus. Ils s'arrêtèrent dans le village, y passèrent une nuit seulement, mais une nuit désastreuse, pour nos paysans qui, en quelques heures, se virent enlever la plus grande partie de leurs récoltes et de leurs instruments agricoles que les vainqueurs faisaient brûler.

A cette époque se rattache le souvenir d'un fait comique, mais exact. Dans la commune se trouvait un jeune homme qui avait fait la campagne de Russie. Il était revenu dans ses foyers tout meurtri, ses pieds avaient gelé, pas un ongle n'y avait repoussé. Il racontait toutes les péripéties de cette guerre avec des détails qui faisaient frémir d'horreur. Lorsqu'il apprit que nos soldats reculaient devant les Espagnols, ne se trouvant pas encore assez fort pour aller se rallier à nos troupes et craignant cependant d'être requis, il partit de chez lui après s'être muni d'un pain et se laissant emporter par son ardeur guerrière, il alla se cacher dans le terrier d'un renard où personne bien sûr, ne s'avisa d'aller le découvrir. Qui aurait pensé que ces animaux pouvaient nous rendre de tels services ! Trois jours après, il revint dans ses foyers heureux et content en apprenant que nos ennemis avaient été complètement défaits à Toulouse.


Dans le territoire de Laslades s'élevaient jadis trois petits monticules de sept à huit mètres de hauteur. Un d'eux existe encore les autres ont été détruits par les habitants. On ne sait pas au juste pourquoi ils ont été construits ; quelques-uns prétendent qu'ils contiennent des tombeaux romains, ils auraient donc été élevés par ceux-ci ; d'autres qu'ils ont été construits pendant la guerre de cent ans par les Anglais qui y ensevelissaient leurs morts ; ils racontent que les Anglais se servaient de sacs pour y porter la terre provenant d'un fossé creusé tout autour. Enfin, on rapporte encore que ce sont des mottes féodales sur lesquelles étaient établis des seigneurs. Cela ne me semble pas probable ni leur disposition : deux étaient situés dans une vallée et à une distance trop rapprochée et l'autre dans la plaine. De ces trois hypothèses on ne sait à laquelle s'arrêter mais il serait plus vraisemblable d'admettre la seconde.


Au sommet d'un petit plateau au sud de la route de Tarbes s'élève un vieux château qui appartenait il y a quelques années à une demoiselle Gracieuse de Barère, décédée à Tarbes il y a quelque quatre ou cinq ans. Ce n'est pas un vieux castel, on dirait plutôt une maison de plaisance. D'après les renseignements que nous avons recueillis auprès des habitants, nous avons établi que la dernière propriétaire de cette maison était une descendante de Barère de Vieuzac, le célèbre conventionnel. Elle possédait une vaste et ancienne maison à Tarbes, au nord de la place de l'église Saint-Jean et puisque Barère de Vieuzac était originaire de Tarbes, il est possible qu'il fût né dans cette même maison. Le frère du conventionnel était, dit-on prêtre et une chapelle avait été érigée au château de Laslades ; c'est là qu'il officiait quand il venait en villégiature dans notre commune. Le fils du conventionnel était juge et a été bien connu par les vieillards de nos jours. La demoiselle Gracieuse de Barère était donc fille de ce dernier et petite fille du conventionnel.


Les habitants de Laslades parlent en patois dont il est difficile d'expliquer l'origine. Il a beaucoup de ressemblance avec l'espagnol, surtout quant à la prononciation, ce qui fait supposer qu'il dérive de la même langue, ce serait donc une langue néo-latine. Certains termes se rapportent aussi beaucoup au français. Quelques-uns de nos paysans ne connaissent que le patois ; cependant la plus grande partie cause passablement en langue française. Les habitants de Laslades sont de vrais paysans bons travailleurs, adroits, mais routiniers. Nos pères faisaient ainsi, disent-ils, faisons comme eux jusqu'à ce que nous soyons sûrs qu'on peut faire mieux. Ils sont économes, aiment l'argent et ne le dépensent pas inutilement, je pourrais même dire que leur économie confine à l'avarice. Par spéculation ils savent se priver de plaisirs pour l'unique satisfaction de serrer quelques écus de plus.

Ils se nourrissent assez bien, mangent de bon pain de froment ; point ou très peu de viande de boucherie, en revanche de bonnes tranches de lard ou de jambon, de beaux morceaux d'oie ou de canard. Ils ne dédaignent pas dans certaines occasions solennelles d'user de friandises.

Le costume a changé depuis quelque temps. Jadis, point de souliers ou très peu ; de gros sabots de guêtres montant jusqu'au genou, un grossier pantalon, une veste de bure et la longue calotte traditionnelle, composaient l'habillement de la généralité de nos campagnards. Aujourd'hui, on remarque dans leur mise plus de goût, plus d'élégance. Le luxe de la ville a déteint sur nos dames et demoiselles qui ne se font point scrupule de présenter aux regards des costumes bourgeois. Le sexe fort a suivi leur marche ascendante ; et quoique portant simple veston et béret, nos jeunes gens, dans les grandes occasions chaussent de fines bottines, revêtent des habits dont la coupe ne laisse rien à désirer, portent des chemises repassées avec soin, des chapeaux suivant la mode, exhibent de temps à autre une jolie montre, rêve de tous les jours jusqu'à ce qu'ils la possèdent. Tout cela cependant ils se le procurent avec le plus d'économie possible et en ont un soin minutieux.

Il y a un siècle l'instruction était nulle ou à peu près dans la commune. Des instituteurs venaient quelquefois s'y établir, jamais la pénurie de leur traitement faisait qu'ils n'y restaient pas et leurs successeurs se faisaient longtemps attendre. Depuis plus de cinquante ans, Laslades possède une école de garçons et une école de filles.

L'école de garçons construite il y a vingt ans se trouve aux abords de la route de Tarbes ; elles est assez vaste et possède une belle salle de classe. Les pièces servant de logement sont assez nombreuses, mais pourraient être établies dans de meilleurs conditions. Le tout a besoin de réparation. Point de cour fermée ni de préau couvert. Il a été plus d'une question de clore la cour et d'établir un jardin pour l'instituteur. Ces propositions sont restées à l'état de projet à cause du peu de ressources de la caisse communale.

La maison d'école de filles est une vieille masure construite en pisé, couverte en tuiles, ayant servi d'abord de presbytère, puis de maison d'école de garçons. Elle est vaste, difficile à entretenir convenablement. Il est question de la réduire et de l'améliorer.

La fréquentation de l'école est passable. Pendant l'hiver, très peu d'absences ; mais sitôt que les travaux recommencent, nos élèves les plus âgés sont employés aux travaux des champs ou à la garde des bestiaux. Cependant l'instruction est assez répandue ; depuis longtemps, y compris cette année nous n'avons eu des conscrits illettrés. De même tous les conjoints ont su signer leurs noms.

Une bibliothèque scolaire a été formée en 1874 ; elle compte aujourd'hui 112 volumes. Pendant longtemps la jeunesse était nombreuse et lisait beaucoup ; aujourd'hui il n'y a que quelque jeunes gens et le nombre des prêts n'a encore été en 1887 que de 15.

L'école de garçons est dirigée par un instituteur au traitement de 1100 francs et l'école de filles par une institutrice au traitement de 600 francs. La commune faisant à peine les revenus nécessaires à ses dépenses les plus urgentes, je crois qu'il lui est impossible d'améliorer la situation de ces deux fonctionnaires.

L'instituteur public

Mailles.




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de la Bigorre devenue Hautes-Pyrénées
département 65.
© Marie-Pierre MANET









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