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L'abbé Albert Peyriguère
(1883-1959)
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de Marie-Pierre Manet


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[1]Un Pyrénéen, qui est une gloire pour sa patrie d'origine, vient de mourir à l'hôpital de Casablanca, le 26 avril 1959 : le Père Peyriguère, originaire de Trébons, et qui a vécu 31 ans dans un ermitage du Maroc, à El-Kebad.

Ce que Charles de Foucauld a été pour les Touareg du Hoggar dans les montagnes du Sahara, le Père Peyriguère l'a été pour les Berbères du Moyen-Atlas, apportant en cette terre d'Islam une présence chrétienne et une présence française du plus haut prix.

Sa vie, qui est un total don de soi à ses frères déshérités suscite l'admiration et connaîtra sans doute une célébrité comparable à celle du " Frère universel " qu'il a voulu imiter.[...]



Albert Peyriguère est né à Trébons, le 29 septembre 1883.[...] Le père d'Albert qui était ouvrier menuisier mais n'avait pas de maison dans le village, alla se fixer à Talence. C'est là que l'enfant fréquenta l'école des Frères. Entré au Petit-Séminaire de Bordeaux, il fut un excellent élève et remporta des prix dans toutes les classes. Très exubérant, il savait passer sans transition du jeu au recueillement le plus profond. De sa jeunesse de petit prolétaire il gardera toute sa vie une ardente passion de la justice.

Le 8 décembre 1906, il est ordonné prêtre à Bordeaux et il sera d'abord chargé d'un externat de lycéens. Après sa licence ès-lettres passée à Paris, il revient comme professeur au Petit-Séminaire jusqu'en juillet 1914. Deux fois grièvement blessé pendant la guerre, sa conduite héroïque lui vaut médaille militaire et croix de guerre (avec 4 citations).

Répondant à un appel intérieur, il passe en Afrique et vit quelques années en Tunisie, comme curé d'Hammamet. C'est alors qu'il découvre le Père de Foucault, grâce à l'admirable biographie de René Bazin. En 1926, il fonde, près de Ghardaïa, avec un religieux, une Fraternité. La santé les oblige à interrompre l'essai.

En 1927, l'abbé Peyriguère arrive au Maroc. Après une première installation à Taroudant où il fonde une mission, en pleine épidémie de typhus, le voici en juillet 1928, définitivement fixé à El-Kebab, au milieu des tribus berbères du Moyen-Atlas.

Son œuvre est considérable et d'un rayonnement de plus en plus grand : dispensaire où les malades se pressent en foule, distribution de vêtements et de nourriture. Et plus encore que la bienfaisance, prestige d'un homme indépendant vis-à-vis des autorités, épris de justice et priant dans sa petite chapelle, non seulement le jour, mais une partie de la nuit. Une part de ses veilles est réservée à des travaux intellectuels : études des dialectes berbères, étude de théologie et de spiritualité.

Des photos montrent l'ermite avec l'habit des Petits Frères de Jésus, la croix et le Sacré-Cœur sur la poitrine, mais il s'était mis simplement à la disposition du Vicaire Apostolique du Maroc et il ne prononça pas de vœux religieux.

Une Fraternité de Petites Sœurs, établie depuis un certain nombre d'années à El-Kebbab, soutenait l'œuvre du Père et pourvoyait à sa subsistance. Il faut ajouter que le Père Peyriguère est revenu plusieurs fois en France, soit pour refaire sa santé, soit pour participer à des Congrès missionnaires, ou aux sessions des " Amis du Père de Foucault " C'est ainsi qu'on le vit à Pau et à Lourdes, en juillet 1958.

Le cœur usé par les travaux et les austérités, il entre à l'hôpital de Casablanca le 20 avril dernier et il meurt de 26.

Après une messe de funérailles à Rabat, le corps du Père Peyriguère a été ramené à El-Kebab, selon sa volonté formelle. Et l'inhumation, le 29, a été un triomphe. Le cercueil, précédé d'une longue file de prêtres et de religieux et par Monseigneur l'archevêque, est porté par les hommes d'El-Kebab. Les autorités suivent, avec la foule où se mêlent Français et Marocains, musulmans et chrétiens, vieux berbères et enfants.

Le corps du Père Peyriguère repose un peu au-dessus de son ermitage, dans la montagne marocaine, parmi ceux qu'il a tant aimés.

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La charité d'un ermite

Dès son arrivée, il s'était mis à soigner les malades de sa tribu ; et presque tous les jours, ils affluaient, souvent dans un rayon de cinquante kilomètres. De plus, à l'entrée de l'hiver, des caravanes d'enfants arrivaient avec leurs mères chez le marabout. Ils étaient en loques, grelottants, souvent sous-alimentés. Alors le Père les accueillait, leur donnait à manger, prenait les mesures. Et quelques jours après, ils reviendront revêtir une longue chemise de contonnade blanche. Ainsi, pendant l'hiver de 1958-59, le Père a distribué des vêtements à près d'un millier d'enfants et de vieillards.

" Les enfants que je revêts d'une chemise, dit-il tout bonnement, c'est le corps du Christ que j'habille ". Sa dernière semaine à El-Kebad, en avril, il préside encore d'importantes distributions de vêtements ; comme on lui demande alors pourquoi il a retardé son entrée à l'hôpital, il répond souriant : " Je n'aurais pas eu la joie de voir le Christ habillé de neuf. "

Toute sa manière de conduire le dispensaire, s'inspire des mêmes buts : montrer la tendresse du Christ à ses frères, respecter en eux la dignité humaine et le titre d'enfant de Dieu.

Même s'ils n'ont pas pressenti la présence du Christ, ils ont su, à tout le moins, à sa mort, qu'ils perdaient un ami.

Une telle abnégation est d'autant plus méritoire que, par goût, le Père Peyriguère est un intellectuel. " Je n'ai pas pu travailler aujourd'hui ", dira-t-il, alors qu'il est resté de longues heures à accueillir, à soigner, à vêtir. C'est que, pour lui, le travail qu'il aime profondément, c'est le travail intellectuel.

A son austère existence érémitique, le Père sait unir la plus parfaite courtoisie, soit dans l'accueil des visiteurs, soit dans les voyages à la métropole. Gai, admirablement informé des dernières productions littéraires et même des modes, tel il apparaissait à tous. Homme de contrastes, il était d'une bonté inlassable, avec des intransigeances et des sévérités sans appel.

Comment sa vocation se révèle à lui, face au bloc musulman d'Afrique, il l'exprime en termes formels :

" Au milieu de ceux qui ne le connaissent pas, être une Présence du Christ... et vouloir en donner l'idée la plus haute et l'idée la plus tendre...

" Être à soi seul, non pas une miniature de chrétienté, mais un concentré... un concentré au travail obscur, tellement puissant, que le Christ anonyme soit à la longue comme un ferment, qui fera lever le Christ avoué et connu...

" Être celui qui allume les lampes du tabernacle, qui les allume, les entretient et veille sur elles... et se dire, en se rengorgeant avec fierté à s'en faire craquer le cœur, que si l'on n'était pas là, elles s'éteindraient et que le Christ ne serait pas là, lui non plus... "

Des écrits spirituels de cette densité seront certainement recueillis et publiés un jour. Quant à l'ermite qui vient de mourir, il est permis de lui appliquer le mot de Weygand, à propos de Foch : " Cet homme fait honneur à l'homme"

Sa vie, comme l'a dit Joseph Folliet dans LA CROIX, est de celles qui comptent dans l'histoire vraie, celle du retour à Dieu de l'humanité rachetée.

J.-B. LAFFON
(6 JUIN 1959)


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Notes

[1] Sources : Gallica.bnf.fr
Bibliothèque Nationale de France
Bulletin de la Société académique
des Hautes-Pyrénées
Archives départementales des H.P - 1958






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© Marie-Pierre MANET







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