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Us et coutumes en Bigorre
Les croyances populaires
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de Marie-Pierre Manet


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Sonnerie des cloches

La sonnerie des cloches pour conjurer l'orage est en usage dans maintes localités. A Vic, notamment, clergé et municipalité ont en vain essayé d'y remédier. Pendant une sonnerie d'orage, en 1876, le clocher fut consumé par la foudre, le sonneur n'eut aucun mal.

"Un évênement malheureux vient d'avoir lieu dans la commune d'Estampures (Hautes-Pyrénées), le 19 de ce mois (mai 1817) ; puisse-t-il corriger les campagnes d'un usage aussi superstitieux que funeste ! Un orage ayant fortement menacé cette commune, une foule d'habitants se réunit à l'église ; le nommé Pinot se posta au clocher, mit la cloche en branle ; peu d'instants après, le tonnerre tomba sur l'édifice, foudroya le sieur Pinot, puis s'introduisant dans l'intérieur du vaisseau, cassa le bras à un enfant et blessa grièvement deux autres personnes.

Il est à désirer que ce fâcheux évênement, arrivé presque sous nos yeux, fasse sentir aux habitants des campagnes, tout le danger de recourir, dans de pareilles circonstances, à des moyens qui journellement sont suivis de résultats aussi cruels."
(Recueil des actes de la préfecture des Hautes-Pyrénées, tome II, page 104)
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Le sonneur fait tous les ans deux collectes fructueuses après le dépiquage du grain et les vendanges en paiement des sonneries qui ont préservé les récoltes de la grêle. Pendant la moisson et les vendanges, l'Angelus de midi était sonné, il y a quelques années, encore, avec une grosse cloche, Martine, dont les battements graves et harmonieux s'entendaient à de grandes distances.

Le décès du curé-doyen est annoncé par la même cloche lancée à toute volée.

Augure


Les habitants de la campagne, gens observateurs, tirent de la présence du vol, des cris des oiseaux, de l'attitude des animaux domestiques des pronostics météorologiques assez exacts.

Beaucoup croient, en outre, pouvoir prédire l'avenir de la rencontre inopinée, de la vue fortuite, des cris inusités de quelques oiseaux.

La vue d'une pie annonce la réception d'une lettre apportant une bonne nouvelle, si l'oiseau traverse de gauche à droite la route que suit le voyageur ; mauvaise nouvelle, au contraire, si elle vole de droite à gauche. On tire encore deux autres augures de la vue de cet oiseau ; deux pies caquetant : mariage ; trois pies : procès. Mariage et procès seront bénis et gagnées, ou malheureux et perdus, selon la direction que prendront les oiseaux à l'approche de l'observateur.

Tout le monde sait que le hululement des inoffensives et utiles effraies, chouettes, prédit un deuil de famille !

Si, la première fois que l'on entend chanter le coucou au printemps, on se couche sur le dos, on ne souffrira point de la sciatique le reste de l'année.

On ne saurait trop regretter de voir s'effacer de la mémoire du populaire la croyance que la destruction d'un nid d'hirondelle porte malheur au dénicheur, qui prive l'agriculture d'un aide aussi actif que désintéressé.

La poule qui se permet d'avoir le chant du coq annonce à la ménagère terrifiée qu'un malheur menace et frappera sa famille.

Des plumes de volaille trouvées à l'entrecroisement de quatre chemins, témoignent qu'une incantation pour déjouer quelque sort a été faite à minuit en ce lieu propice.

Une tresse ou peloton de plumes trouvé dans une couette ou un traversin, prouve qu'un sort a été jeté à l'occupant du lit.

Nous ramassâmes une fois, à la grande surprise, presque au mécontentement des ouvirers qui venaient travailler avec nous, cinq sous sur le bas-côté d'une route fréquentée et à notre gauche par rapport à la direction que nous suivions. Ils nous expliquèrent que cette menue monnaie avait été placée à cet endroit à minuit et que très certainement nous hériterions du mauvais sort ou de la maladie dont s'était débarrassé le déposant.

Les abeilles


L'industrieuse abeille, cette "fille de l'aurore" comme l'appelle le poète bagnérais Frédéric Soutras, est l'objet de persistantes croyances.

On trouve difficilement des essaims à acheter dans nos campagnes.

- Les abeilles, disent les paysans, ne peuvent être vendues ; elles ne veulent être que données ou mises en cheptel ; les abeilles vendues ne vivent pas, les ruches du vendeur ne prospèrent plus.

Et, à l'appui de leur dire, ils citent des faits qui dénotent plus d'imagination que de connaissance des mœurs de l'abeille. Il suffit de lire la dernière page d'un journal d'apiculture - Abeilles à vendre - pour voir que les éleveurs d'abeilles du Gatinais ne partagent pas ce préjugé si enraciné dans la Bigorre.

Le fait suivant, qui se renouvelle fréquemment, a pu faire naître et perpétuer cette croyance.

Quand, après de vives sollicitations, en payant très cher, et souvent en mettant en jeu l'influence de quelque personnalité locale, on décide un villageois à vendre un essaim, il ne livrera que la colonie la plus tardive, celle qui aura emmagasiné juste assez de provisions pour passer l'hiver et arriver aux premiers beaux jours. Si le printemps n'est pas clément, comme cela arrive fréquemment dans nos contrés, cet essaim mourra de faim. Quant à la mort des ruchées restant chez le vendeur, celui-ci ne doit accuser que lui-même, l'étoufffage et la fausse-teigne.

On ne doit ni jurer aux abords d'un apier, ni injurier les abeilles. Inutile de faire la première recommandation à un homme bien élevé ; quant aux injures qu'on peut leur adresser, les abeilles n'en ont cure.

- Au décès d'un apiculteur, sa famille doit en faire part aux abeilles, et placer une étoffe de deuil sur les ruchées pour ne pas les voir périr dans l'année. On nous a cité des exemples de quelques ruchées perdues parce qu'il n'avait pas été tenu compte de ce pieux préjugé.

Les apiculteurs de nos campagnes entourent leurs abeilles et leurs opérations d'un certain mystère. Il est rare qu'un apiculteur routinier fasse part de ses connaissances en apiculture même à ses proches. A sa mort, sa famille, plongée dans la douleur, absorbée par les travaux journaliers, n'entendant rien à la conduite d'un rucher, oublie ces industrielles mouches. Ici, comme partout, les Brugnous sont simplement posés par terre ou sur des bancs très bas, enveloppés d'herbes, couverts de paille et quelques tuiles les garantissant à peine de la pluie. Les capuchons de paille n'étant jamais nettoyés et renouvelés, servent de refuge aux rats, grêpes, etc. Les ruchées seront d'autant plus facilement envahis par la fausse-teigne qu'elles seront épuisées par le jet de plusieurs essaims. Personne dans la famille ne sachant recueillir les essaims qui remonteraient le rucher et la coutume barbare de l'étouffage s'en mêlant, l'établissement naguère florissant sera ruiné à bref délai.

- Les éleveurs d'abeilles des campagnes croient arrêter les essaims en leur adressant des épithètes flatteuses, et en frappant sans ménagement sur des chaudrons.

Ce bruit, disent-ils, empêche les abeilles d'entendre la voix, les ordres de la reine, et alors, sans commandement, désorientées, elles s'arrêtent, ne sachant où aller.

La mère-abeille ne donne pas d'ordres, elle suit la foule qui l'entraîne hors de la ruche et se pose, sans trop s'écarter de la souche, sur une branche peu élevée. Ce n'est qu'après un moment de repos ou le lendemain, quand le soleil a ranimé les abeilles, que l'essaim change de place et va se fixer au loin.

L'eau jetée du haut en bas sur les abeilles est d'un excellent effet pour les arrêter.

- Les abeilles ne veulent pas être volées, dit-on, les abeilles volées meurent dans l'année. Immanquablement, le voleur d'une ruchée se hâtera d'étouffer les abeilles pour s'emparer de la cire, du miel et faire disparaître ce qui peut trahir son action.

Une croyance fort gracieuse a cours dans les environs de Bagnères-de-Bigorre. Un premier papillon aperçu et pris, ou le premier essaim vu et recueilli par une jeune fille, sont un indice certain qu'elle se mariera dans l'année.

Le populaire attribue facilement à l'apiculteur habile dans la direction de son rucher des dons ou pouvoirs occultes.

Sorcières et loups-garous


Un séjour dans un centre rural, la fréquentation d'ouvriers agricoles permet de constater que dans nos campagnes les croyances superstitieuses sont encore très vivaces, bien enracinées.

Les sorcières, brouchos, hados, pousouèros, sont nombreuses et redoutées ; peu de gens, au retour d'une espelouquero n'ont pas rencontré de loup-garou ou d'animal extraordinaire, aux formes peu précises, modifiant sa taille, changeant de couleur au clair de lune éclatant des longues et froides nuits d'hiver. Le ton de conviction avec lequel des gens de bonne foi racontent des histoires de sorcières et de loup-garous, la chaleur communicative qu'ils mettent dans leur narration, frappent les imaginations jeunes et paresseuses d'un auditoire prédisposé, plein d'une crédulité naïve ouverte aux contes les plus fantastiques et aux récits les plus invraisemblables.

Les sorcières qui nous connaissons, c'est-à-dire désignées comme telles par leurs voisins, sont des femmes d'un âge avancé, intelligentes, laborieuses, rapaces, infatigables, au travail, menant bien leur ménage, faisant convenablement leurs affaires, amassant un petit avoir. L'individu paresseux, désordonné, incapable d'un effort prolongé, qui n'a pas l'énergie de lutter, comparant ses affaires qui vont déclinant avec la situation prospère de la voisine, aime mieux attribuer à une cause supérieure, occulte, la différence qu'il constate, que de reconnaître son infériorité morale et son incapacité physique. Il se rejette sur le mot : sorcière.

La sorcière a été portée, avant son baptême à l'église, au sabbat la nuit et baptisée par le diable, ce qui nécessite, quand cela est découvert un nouveau baptême religieux.

Le loup-garou ne peut pas jeter de sort comme la sorcière. Il est rarement malfaisant, c'est plutôt une victime des sorcières, ou un déguisé qui se rend au sabbat ou encore un infortuné subissant une métamorphose temporaire.

la "minette" est un animal que personne n'a vu. L'heureux possesseur de cet animal, qui aurait, disent les bonnes gens, la forme d'une fouine, a pu, grâce à des incarnations ou après marché dont l'âme forme l'enjeu, obliger le diable à revêtir cette enveloppe. Tant qu'il le tient prisonnier, il acquiert de la fortune, toutes ses entreprises réussissent.

Certains individus ont des serpents familiers dont la présence dans la maison procure également fortune et prospérité !

Le peau d'un serpent trouvée un vendredi est un porte-bonheur.

Les devins


Les rebouteurs (frelayres), faiseurs de croix et diseurs de prières (pregenlayres), sont nombreux, connus de tout le monde, jouissant souvent d'une réputation étendue, bien assise et... fructueuse. On a recours au medge dans toutes les circonstances ; il est appelé indistinctement pour les bêtes et les gens. Un malade absorbe successivement les médicaments ordonnés par le docteur en médecine et les simples ou mixtures répugnantes (taupes, crapauds, urine), prescrits par l'empirique.

Le devin ne demande aucune rétribution, mais il accepte les cadeaux que l'on ne se fait pas faute de lui apporter. La plupart, ignorants, ils exploitent la crédulité publique avec une rouerie consommée. Nous en connaissons qui se rendent à domicile et régulièrement aux marchés de Vic-en-Bigorre, Maubourguet, de Rabastens, de Tarbes, où une nombreuse clientèle quadrupède et bipède, l'un emmenant l'autre - stationne à leur porte.

Le rebouteur est un masseur expert, dont les cures innombrables attestent l'habileté. Les croix tracées avec le pouce de la main et quelquefois du pied simultanément, les prières qu'il marmone, frappent le populaire ignorant les pratiques du massage.

Un enfant posthume sera heureusement doué s'il pratique ; il fera souche de devins s'il se marie, car on est devin de père en fils. A défaut d'enfant mâle, le devin apprendra à son gendre l'oraison de Saint-Cyprien qui sauvegarde les porcelets, celle de Sainte-Apollonie qui guérit les maux de dents...

On observe fréquemment, les jours de foires ou de marchés, des vendeuses faire le signe de la croix, tenant au bout des doigts la première pièce de monnaie qu'elles reçoivent. Elles accompagnent ce signe de mots prononcés en patois ou en français : Dieu porte chance !

Il est d'usage de tracer avec la pointe du couteau une croix sur le côté plat du pain avant de l'entamer.

Les chiffres 3 et 9 sont des nombres fatidiques. Un "fretayre" tracera 3 ou 9 croix, un "pregentayre" récitera 3 ou 9 oraisons, ordonnera des momeries que l'on répètera 3 ou 9 fois. [...]

Les messes


Ce que devin ne peut faire, une "messe" l'obtiendra. Une messe célébrée à intention calmera les âmes - les feux follets - qui paraissent durant les soirées orageuses, au-dessus des tourbières et lieux humides.

Une messe de mal-amour hâtera la conclusion su mariage qui paraît traîner en longueur ou semble devoir se rompre.

la messe de male-mort provoque une agonie longue et douloureuse ; elle est célébrée contre les usuriers ou individus qui ont commies des exactions.

Après une messe de sento sèdairo ou d'escuminjo, exaucée, le jeune homme qui n'épouse pas la jeune fille qu'il a séduite ou la jeune fille volage, moura de consomption.

cette messe n'a d'effet que si la personne qui la demande n'a eu que cette intrigue amoureuse.

Quelques prêtres, interdits, sans ressources, ont contribué à propager et maintenir la croyance à ce rituel en prêtant leur concours à des pratiques grassement rénumérées. On raconte dans nos campagnes qu'il y en aurait encore quelque-uns (non interdits, en fonction ceux-là), qui, non contents de se livrer à l'exercice illégal de la médecine, font retourver les objets perdus et aboutir les entreprises de quelque nature qu'elles soient.

Le paysan qui a recours à ces individus est lus à plaindre qu'à bl&acir;mer. Sans idéal pour se grandir, trop ignorant pour raisonner, ne connaissant pas la marche des éléments, les phénomènes de leur pertubations qu'il ne comprend pas, il se sent bien faible, bien infime devant le spectacle grandiose de la Nature qui l'entoure. Il a besoin d'un appui, d'une aide immédiate, visible : il se défend de croire à la magie qu'il redoute et a recours en cachette aux pratiques grossières des devins dont on rit en public.

Les revenants


Combien d'histoires de revenants ne raconte-on pas le soir à la veillée ! [...] en voici une parmi tant d'autres :

Un cordonnier de Vic avait hérité, grâce aux charmes de sa femme, d'une petite somme lui permettant de laisser son échoppe. Esprit fort, ne croyant ni à Dieu ni à diable, il passait son temps juqu'à une heure avancée de la nuit, à discourir dans les cabarets.

Une fois, vers minuit, il fut réveillé par le bruit de coups cadencés frappés avec force dans son grenier, immédiatement au-dessus se son lit. Après avoir vainement essayé de se rendormir, le coups continuant, il monte doucement, tout se tait. Le lendemain soir, à la même heure, même réveil, nouvelle promenade au grenier où tout rentre dans le silence : quelques rats seuls continuent de grignoter ; dehors, bien loin, dans le silence de la nuit, deux chats miaulent langoureusement.

Un soir, cependant, qu'il avait prolongé sa station au cabaret où il avait été fortement question de revenants et d'esprits frappeurs avec un boulanger, son voisin il s'écrie exaspéré - Je suis M.X... (ici le nom du généreux testateur), lui fut-il répondu d'une voix de fausset, blanche et chevrotante. - Que voulez-vous ? - Je veux des messes... -Combien ? ... Pan, pan, pan,... et les coups se succèdent lentement, fermes, secs, innombrables, sans fin. - Reprenez votre héritage ! s'écrie notre savetier, s'enfuyant terrorisé.

Le malheureux ivrogne était le jouet de son facétieux voisin qui, ayant attaché un poids au bout d'une ficelle qu'il avait glissée entre deux chevrons, faisait le revenant, abrité par le mur mitoyen du grenier.





Notes

[1] Sources : Gallica.bnf.fr
Bibliothèque Nationale de France
Bulletin de la Société académique
des Hautes-Pyrénées - 1892 - Au pays de Bigorre.
Société académique
des Hautes-Pyrénées



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© Marie-Pierre MANET








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