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La monographie de 1887 d'Ens
Hautes-Pyrénées
département 65.

(ADHP - Monographie établie en 1887)



Sceau
00036426
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Livre écrit à la plume

I


La commune d'Ens ne présentant presque rien de remarquable, je me bornerai à répondre d'une manière sommaire et catégorique au questionnaire inséré sur le Bulletin officiel  de l'Instruction primaire de ce département, savoir :

Situation géographique : le petit village d'Ens, (canton de Vielle-Aure) dont la pénible ascension fait plus d'une fois jeter des cris d'impatience, est situé à l'extrémité méridionale du département des Hautes-Pyrénées, presque aux bornes de l'horizon quoique ce ne soit pas un horizon formé à souhait pour le plaisir des yeux comme celui de Fénelon, il n'est pas moins grandiose. Ce village est assis, avec le groupe de ses maisons plus ou moins blanches, sur une gracieuse éminence, qui, dominant la vallée d'Aure, présente aux regards du spectateur un donjon aérien.

Au Sud-Ouest du village, il y a un point de vue magnifique : c'est un beau panorama. En face, le joli vallon de Vielle, ce vallon qu'embellissent mille tapis de fleurs que la Neste arrose ; au sud, on aperçoit les monts qui séparent la vallée d'Aure de l'Espagne. Et pourtant ce lien, maintenant si paisible a eu ses jours de deuil. Ce beau torrent, qui le caresse aujourd’hui de ses flots dociles, y a porté plus d'une fois le ravage et la consternation.

Au printemps, lors de la fonte des neiges, la Neste grossie du tribut des frimas, abandonne son lit grondant et se répand dans la plaine. En 1834, elle laissa dans ces lieux des traces terribles de son passage : le village de St Lary qui se trouve au midi de Vielle, fut pour ainsi dire emporté par le torrent.

On aperçoit aussi la route d'Aragnouet citadelle fièrement campée sur les rochers dans une gorge étroite, sombre et décharnée.

Bref, la vallée d'Aure offre dans toute son étendue une longue bande de verdure bordée à droite et à gauche de villages pittoresques.

Limites : le territoire d'Ens est borné au Nord par les propriétés privées de Sailhan ; à l'Ouest par les propriétés communales de Sailhan et St Lary ; au Sud par les montagnes de ces dernières communes, et à l'Est par les propriétés privées et communales d'Estensan et Azet.

Étendue : sa superficie totale  est de 349 ha 34 a 72 ca, y compris les objets non imposables qui embrassent une surface de 135 ares 35 ca.

Distance au chef-lieu de Canton : quatre kilomètres.

Description physique du pays : le village d'Ens est placé sur une pente très irrégulière. La partie Nord-Ouest est une suite de collines, l'autre partie est au pied d'une chaîne de montagnes.

Relief du sol : le sol d'Ens peut se partager en deux stations : l'une montagneuse au Nord-Est, l'autre moins élevée au Sud-Ouest.

Montagnes : les montagnes de ce pays sont d'une assez grande hauteur. Aussi présentent-elles de loin leurs formes gigantesques, leurs pics hérissés. Les orages fondent sur elles avec tant d’impétuosité qu'elles offrent presque partout des bouleversements terrestres. Une des plus hautes montagnes de la chaîne des Pyrénées est le pic de Lustou qui a 3.025 mètres. Ce pic est situé dans la partie méridionales de la commune d'Azet. Ici les gens aiment beaucoup leurs montagnes ; ils idolâtrent le sol qui les a vus naître, comme les nègres leurs solitudes du Sahara.

Nature des rochers qui les constituent : ces montagnes sont formées de masse schisteuses et calcaires et calcaires. Les roches qui le constituent ont sans doute été produites par l'action du feu : elles présentent une structure irrégulière. Aussi, je crois qu'on peut les classer sous le nom de roches neptuniennes.

Curiosités naturelles : il n'y a rien dans cet éden, trop solitaire, qui mérite d’être mentionné. Parfois, en parcourant les montagnes situées au midi de cette commune, des masses énormes de rochers apparaissent debout, ainsi que des sentinelles menaçantes : tout annonce une nature âpre, austère, sauvage.

Richesses du sol : le sol naturellement froid, à cause de son exposition au vent du Nord, a indispensablement besoin pour produire d'un engrais énergique, tel que le fumier de moutons, mais le long séjour des neiges dans le territoire rend fort coûteux l’entretien du bétail à laine dans les étables, et il n'y a guère que trois ou quatre propriétaires qui puissent en supporter les frais.

Cours d'eau : il existe au Sud-Est de la commune deux petits cours d'eau que grossit au printemps la fonte des neiges. Les habitants ne profitent pas de cette eau excessivement froide pour l'arrosage de leurs jardins, dont elle rend le gazon très clair.

Leurs débits : ces eaux coulent dans le torrent de la Mousquère qu'elles grossissent considérablement au moment de la grande fonte des neiges ou des orages ; elles ne peuvent assurer le fonctionnement d'une usine, soit scierie, soit moulin à farine, de sorte que les habitants sont obligés d'aller à Sailhan, à trois kilomètres de distance, pour faire débiter leur bois et moudre leur grains.

Leurs crues : les crues des ruisseaux qui n'occasionnent presque pas de préjudice sur les propriétés riveraines, ont lieu ordinairement au mois de mai et en été quand il survient des orages.

Eaux potables : l'eau potable d'Ens est excellente : elle est limpide, inodore, fraîche en été, tempérée en hiver, elle dissout le savon sans former de grumeaux, et cuit les légumes sans les durcir. Elle dérive d'une source située à trois cents mètres du village où elle arrive au moyen d'une rigole à ciel ouvert. La commune songe sérieusement à l'exécution d'un projet de canalisation au moyen de tuyaux en plomb. Le défaut de finance en retarde la solution.

Altitude : Ens est à une altitude de 1.190 mètres. Comparant cette altitude à celles des Pyrénées, qui est d'environ 3.040 mètres, je m'aperçois que je suis bien éloigné du sommet de nos belles montagnes.

Climat : il est assez salubre, sans être uniforme. Le froid, occasionné par le long séjour des neiges, sévit avec intensité pendant la plus grande partie de l'année, c'est-à-dire du 1° 9bre jusqu'au 15 mai.

Vents : les vents, ces capricieux serviteurs, déracinent parfois les gros arbres ; ils viennent du Nord et de l’Ouest. Je nommerai encore le vent d'autan qui vient de Toulouse.

Pluies : à cause du voisinage des hautes montagnes, les pluies sont inégalement réparties sur ce sol. Toutefois je ferai remarquer qu'elles sont assez abondantes. Les cours d'eau s'étendent trop souvent outre mesures.

Température : le degré varie d'un jour à l'autre. A ces journées de chaleur succèdent la neige, la pluie, les brouillards surtout qui rafraîchissent énormément la température.

Salubrité : l'air qu'on respire dans cette commune éloignée de toute espèce de marécages, joint à la salubrité de ses habitants, les rend peu sujets aux maladies et leur communique la vigueur nécessaire pour remplir leur tâche.

II


Chiffre de la population d'après le recensement de 1886 : 64 habitants. Ce chiffre tend-il à diminuer ou à s'accroître ? En 1881, ce chiffre était de 67 habitants. Pour quelles causes ? Si le chiffre tend à diminuer, c'est que la jeunesse a un peu trop de tendance à aller habiter les villes, où elle croit trouver plus de bien-être et de repos.

Nombre de feux : treize.

Organisation municipale : cette commune, comme bien d'autres du département inféodée depuis plusieurs siècles au régime de la torpeur, ne put pas tout à fait briser les liens qui semblent la retenir, de sorte qu'elle manque ainsi de marcher vers la liberté.

Fonctionnaires municipaux et autres : les seuls fonctionnaires de la commune sont le Maire, l'Adjoint et l'instituteur Cal.

Comment la commune est-elle desservie par les cultes : la pénurie de prêtre du diocèse, dit-on, fait que la petite commune d'Ens est sans service depuis bientôt cinq années. C'est la seule commune du Canton de Vielle qui ne soit pas desservie. Autrefois le vicaire d'Estensan était chargé du service d'Ens, ce qui n'a pas lieu aujourd'hui au grand regret des fidèles de la localité.

Les Finances (Perception) : il y a un percepteur dans le canton de Vielle-Aure.

Les postes et télégraphes : un bureau de poste est institué au chef-lieu de Canton, par conséquent assez à proximité de cette commune, avec télégraphe depuis quelques temps.

Valeur du centime : la valeur du centime varie de 0, 1424 à 0,1540.

III


Revenus ordinaires : Productions.

Quantités : la commune est dépourvue de toute espèce de revenus depuis la vente de la forêt de Fosses, dont 1/4 appartenant à Ens a été cédé en 1620 à la commune de Bourisp, on ne sait ni pourquoi ni comment. Cette vaste forêt, située dans la gorge du Rieumajou, appartenait aux 4 communes : Azet, Bourisp, Ens et Estensan. Il y a deux siècles et plus que les communes d'Azet et d'Ens ont été dépouillées par l'effet d'une vente, de leurs parts respectives qui sont passées à celle de Bourisp.

Sur les 23 hect. 23 a. 24 c. de terre labourables :
- 1/2 est ensemencée en seigle, soit une surface de 11 hect. 61a. 62c. qui produit, terme? moyen, à raison de 15 hectolitres l'hectare, à 174 hectolitres. 24
- 1/4 froment, soit 5 h. 80 a. 81 c. produisant à raison de 12 hectolitres l'hectare, à 99 hectolitres 70
- 1/8 en orge et sarrasin, soit 72 a. 70 produisant 20 hecto. par hectare, à ….14h. 56
- 1/8 en pommes-de-terre, soit 72 a. 70 dont le produit par hectare est évalué à 100 hecto par hectare, à 72 a 70
- Les prairies d'une surface de 29 hect. 54 a. 63c., produisent en foin et regain à raison de 50 quintaux métriques par hectare, à 1477 q. m.

Culture principale : le seigle, le froment, le sarrasin et la pomme-de-terre surtout, composent la culture principale. On cultive aussi quelques légumes, tels que : pois, lentilles, navets etc.

Procédés de culture : ces procédés les mêmes. Ici, comme dans toute la vallée d'Aure, on est absolument routinier. Il existe peu de progrès sous ce rapport. Seulement, les gens reconnaissent que pour obtenir un bon résultat dans la production, il s'agit de bien soigner les terres, en arrachant d'abord les mauvaises herbes qui étouffent la récolte et l'empêchent de prospérer, en fumant assez largement les terrains maigres qui ne produisent qu'à force d'engrais et de travail.

Bois et forêts : les bois et forêts d'Ens non soumis au régime forestier, n'embrassent qu'une faible partie du territoire : leur surface pour ce qui regarde la forêt qui leur appartient en propre  est de 5 hectares 14. Le bois de Bastères indivis entre les communes d'Ens, azet et Estensan a une superficie totale de 45 hectares 11 ares, mais les sapins séculaires qui s'y trouvent sont tous des arbres rabougris; cela tient sans doute à la nature du sol et à son exposition au vent du Nord.

Essences : l'essence sapin domine presque partout. Il existe aussi quelques pieds de hêtres ou de chêne rabougris qui ne sont bons que pour le chauffage.

Reboisement : la mauvaise nature du sol des montagnes d'Ens semble être hostile au reboisement. Les sapins n'y grandissent pas. Le bois de Bastères en est un exemple frappant. La plupart des sapins sont des arbres sans valeur. D'ailleurs le reboisement du côté d’Ens n'est pas désiré au point au point de vue des inondations, attendu qu'on n'a jamais vu fermer des torrents sur cette partie,  même dans les plus forts orages.

Animaux, troupeaux divers : le nourrissage ou l’élevage du bétail à cornes est une des principales ressources de la localité. Les propriétaires les plus aisés y élèvent aussi quelques petits troupeaux de moutons en vue de la bonification de leurs terres.

Chasse : les braconniers d'Ens sont naturellement intrépides. Sûrs comme le renne des Lapons, ils se font un jeu des périls les plus redoutables. Les isards et les ours rencontrent en eux des ennemis acharnés.

Productions de toute nature : nonobstant la rigueur du climat et son exposition au vent du Nord, on cultive à Ens, moins de maïs qui n'y mûrit pas généralement, le blé, le seigle, l'orge, le sarrasin, la pomme-de-terre, etc.

Carrière à exploiter : il existe à un kilomètre au Sud de la commune une carrière d'ardoise qui reste sans être exploitée la plupart du temps, faute d'adjudicataires qui reculent probablement devant la difficulté des transports. On reconnait la nécessité d'ouvrir un chemin pour aboutir non seulement à la carrière, mais encore au bassin de la vallée. Cette grande amélioration reste toujours à l'état de projet et ne pourra jamais s'effectuer sans le secours de l'État. Les habitants d'Ens n'ont que leurs prestations à offrir pour l&appos;exécution de la voie en question.

Routes : pas de route carrossable pour se rendre à Ens. La commune est sans ressources pour faire face aux dépenses locales les plus indispensables, et les prestations dont elle dispose suffisent à peine pour l'entretien de ses chemins vicinaux.

Époque de leurs constructions : il est question depuis longtemps de construire un chemin d’intérêt commun de Sailhan à Ens, sur un parcours de trois kilomètres, d'une pente assez sensible, mais les fonds manquent toujours pour réaliser ce projet.

Moyens de communication avec les chefs-lieux de Canton, de l'Arrondissement et du département : c'est à pied ou montés sur leurs bêtes de somme (chevaux ou ânes) que les habitants d'Ens communiquent avec leurs chefs-lieux de canton, de l'Arrondissement et du département. On dirait, à voir l'allure pacifique de ces pauvres bêtes, qu'elles descendent en droite ligne de celle de Don Quichotte.

Voies ferrées et autres moyens de transport : Il n'existe pas de voie ferrée pour aboutir à la gare de Lannemezan la plus rapprochée de la vallée d'Aure. Les habitants d'Ens n'ont d'autre moyen de transport que leurs bêtes de somme spécialement consacrées à l'agriculteur. Les voitures publiques leur servent pour se rendre de Vielle-Aure et d'Arreau dans l'intérieur, soit à Bagnères-de-Bigorre, soit à Tarbes.

Voitures publiques : il n'en existe pas dans la localité.

Commerce local : la seule industrie des habitants consiste dans la vente de leurs bestiaux. Les bonnes ménagères peuvent vendre aussi quelque peu de beurre, des œufs et même des volailles. Quant au blé, on rencontre plutôt des acheteurs que des vendeurs, par suite des mauvaises années qui se succèdent.

Foires et marchés : le marché d'Arreau, est le seul marché où s'opèrent les transactions des gens de la vallée. Il existe encore quatre grandes foires dans cette dernière ville, lesquelles sont très fréquentées indépendamment des foires de Vielle-Aure, Guchan, Guchen ou Sarrancolin, renommée pour la vente du bétail à cornes.

IV


Éthymologie probable du nom : l'éthymologie probable du nom Ens dérive du mot latin Ensis qui veut dire épée, instrument que tient en sa main le chevalier gravé sur la pierre du frontispice de l'église.

Histoire municipale : ne pouvant partir d'aucune donnée, il n'est pas possible de retracer l'histoire municipale de cette commune, néanmoins, je crois pouvoir affirmer qu'elle n'a jamais compté d'ardents patriotes. Les renseignements que j'ai recueillis m'autorisent à dire qu'on a toujours eu dans ce petit endroit un culte particulier pour les gens d'église.

Les habitants d'Ens, en compensation des biens communaux, étaient tenus de payer annuellement, comme tous les habitants des quatre vallées, Aure, Neste, Magnoac et Barousse, à sa majesté le roi régnant, en sa qualité de baron des quatre vallées, ou aux fermiers de son domaine, une redevance appelée abonnement ordinaire, qui était répartie tous les ans par feu allumant sur les dites quatre vallées, et cela indépendamment des dîmes perçues, soit par l'évêque de Comminges, le Chapitre de St Bertrand  et le clergé des paroisses, soit, pour cause d’inféodation, par des seigneurs maîtres de châteaux existants, qui eux aussi prenaient un dixième sur le revenu de certaines parcelles du territoire de la commune.

La garde des passages du port de Lapech et de Pierre-Fitte, limitrophes d'Espagne et de la vallée du Louron, était spécialement confié aux soins des gens d'Azet, d'Estensan et d'Ens, qui étaient obligés de se réunir à Azet à un signal donné pour en surveiller les issues, et par un titre à eux accordé par Jean de Labarthe, seigneur souverain de la vallée d'Aure, en date du 1er Octobre 1367, ils étaient dispensés de concourir à la garde des autres châteaux de sa majesté. Une copie de ce titre existe aux Archives de la commune d'Azet.

Les consuls ont fonctionné d'une manière plus ou moins régulière dans les actes intervenus entre les communes, les commissaires du Gouvernement et les seigneurs jusqu'après la Révolution de 1789 qui a anéanti le despotisme des rois et la domination des seigneurs, dont ils étaient les esclaves, en nous donnant la liberté. C'est à partir de cette époque que les maires ont remplacé les curés pour la rédaction des actes de l'état civil.

Traditions, légendes et coutumes : à cause de son élévation et de la rigueur du climat, les semailles d'automne ont lieu du 15 Septembre au 1°Octobre, et la coupe de la récolte ne s'opère qu'en fin août et commencement de Septembre. Aussi, il est dit du blé d'Ens : Un an dehors et une nuit dedans. Au sujet des mariages, il y a une coutume fort étrange. Un homme qui convole en secondes noces est tenu de payer aux jeunes gens de l'endroit une somme proportionnée à sa fortune. L'usage l'exige : Il doit s'y soumettre. Ce n'est qu'à ce prix qu'il pourra paisiblement célébrer son mariage. S'il lui prend fantaisie de vouloir faire le récalcitrant, voilà que la jeunesse s'arme aussitôt de sonnettes et vous assourdit d'un tintamarre affreux les oreilles du pauvre diable. Il ne peut faire cesser cette musique qu'autant que la somme réclamée par les jeunes gens a été versée entre leurs mains.

Autre chose encore : ici, presque tous les habitants observent relativement aux funérailles, l'usage suivant : lorsqu'une famille vient de perdre un de ses membres, les parents et les amis se rendent chez elle après l'enterrement et mangent en commun. Après avoir bien pleuré pendant la sépulture, ces braves gens vont manger et boire pour se consoler.

Idiomes : Le patois bigourdan est en usage dans ce pays. Son rang d'idiome local le condamne à l'obscurité, mais on peut juger de l'étendue de ses ressources par l'emploi qu'on en fait M. Despourrins le chantre des Pyrénées. Ce patois offre dans son ensemble un mélange de diverses langues. Il renferme des mots anglais et espagnols. Les uns proviennent de l'occupation du Bigorre par le roi d'Angleterre, après le traité de Brétigny, les autres des communications fréquentes des pyrénéens avec leurs voisins de la péninsule.

Chants : les enfants sont exercés de bonne heure à des chants populaires qu'éveillent en eux l'amour de leur pays, et celui de la France qu'ils auront à défendre un jour au prix même de leur sang.

Mœurs : elles sont loin d'être aussi pures et aussi fraîches que la nature qui les environne. Toutefois, les habitants de ces hautes régions sont généralement bons. Comme les rocs de leurs montagnes, ils aiment mieux rompre que plier.

Culte : les habitants de cette localité appartiennent au culte catholique ; ils sont croyants, naïfs, je dirai même un peu superstitieux. Ignorant presque complètement l'archéologie, science qui est pourtant indispensable pour faire la monographie d'un édifice, je ne dirai qu'un mot : En comparant l'église d'Ens à celle d'Azet non loin d'ici laquelle est très ancienne, on est amené, par l'aspect de ses sombres murailles et par sa structure, à lui reconnaître les titres de première née.

Costume : les gens sont en général vêtus de laine dans toutes les saisons. Il y en a qui n'ont jamais usé de chapeaux ni souliers. Les marchés de Tarbes offrent à l'observateur les tableaux les plus intéressants : " Qui veut voir toutes les races et les costumes dit Michelet, c'est aux foires de Tarbes qu'il doit aller ".

Alimentation : La pâte, le laitage et la viande salée, forment la principale nourriture des habitants de cette localité. Ils ne mangent pas souvent de viande fraîche et ils ne se permettent d’en faire usage que les jours de fête locale, à l'occasion d'un mariage ou d'un baptême. Alors, voyez-vous, ils font des libations par trop copieuses : quelques uns se sont, sans doute, les plus bouillants se transforment en joyeux Silènes, mais ces écarts ont rarement des suites graves. Le lendemain, chacun rentre dans le cercle de sa vie simple et frugale.

Archives : un incendie survenu dans la maison de M. le Maire où étaient déposées les archives de la commune, a détruit tous les papiers et jusqu'aux actes d'état civil.

Enseignement


Historique de l'enseignement et des écoles dans la commune aux diverses époques : Avant 1833, époque à laquelle le Gouvernement de juillet a jeté les premiers fondements de l'Instruction primaire en France, les enfants d'Ens croupissaient dans l'ignorance. Il n'y avait que ceux des familles  un peu aisées qu'on envoyait apprendre à lire chez les Magisters des communes circonvoisines, dont toute science consistait dans les premières notions de lecture et d'écriture avec un peu de calcul. Ces maîtres-là ne pouvaient pas apprendre la grammaire aux enfants, ne sachant pas eux-mêmes un mot d'orthographe.

Description de l'école existante : l'école d'Ens occupe une pièce principale au rez-de-chaussée de la maison Sénac, à l'aspect au Sud. Sa surface est de 25 m² 14 et son cube total de 61 m3 353. Elle est éclairée par deux fenêtres, l'une au levant, la seule qui existât jusqu'en 1886, et l'autre au couchant nouvellement établies.

Amélioration à réaliser : il est désiré qu'il soit donné suite au projet de construction d'une école mixte, dressé en 1880 par M. abadie, architecte, lequel projet est resté à l'état de lettre morte, l'autorité municipale ayant négligé de concourir à cette importante amélioration.

Fréquentation : l'école est assez régulièrement fréquentée pendant l'hiver, mais le mois de mai venu, cette fréquentation diminue insensiblement par suite de l'occupation des enfants que les parents envoient à la garde des bestiaux.

État de l'instruction : l'intéressante jeunesse d'Ens a à cœur de mettre à profit les sacrifices que s'impose le Gouvernement paternel de la République dans le but de répandre l'instruction dans les plus humbles hameaux. Le nombre des illettrés aura disparu tout à l'heure et il n'y aura pas un seul enfant à partir de l'âge de six ans, qui ne sache lire et écrire. Nombre des conscrits illettrés de la dernière année, des conjoints qui n'ont pas su signer leurs noms. La conscription de 1886 compte un seul conscrit à Ens, le né Bouère Ernest, sachant lire, écrire et calculer. Il n'y a pas eu de mariage dans le courant de l'année qui vient de s'écouler.

Institutions scolaires. Bibliothèque, son origine, nombre des volumes des prêts : Caisse des écoles ; Caisses d'épargne scolaires : Il n'existe à l'école d'Ens ni bibliothèque ni caisse d'aucune nature.

Traitement des maîtres : le traitement du maître est de 1100 frcs. Celui-ci n'ayant pas encore accompli ses 15 années de service comme titulaire.

Loyers : la maison occupée, soit pour la salle d'école, soit pour le logement le l'instituteur sont convenable. Le loyer de cette maison est de 60 frcs par an.

Sacrifices à demander à la commune pour réaliser les améliorations nécessaires : les habitants se trouvent en général dans une grande gêne, par suite de la faiblesse du cours du bétail qui a subi une diminution considérable, pour subvenir à leur existence et faire face aux charges qui pèsent sur eux.

Les revenus de la commune sont nuls pour ainsi dire.

Les seuls sacrifices que les gens puissent s'imposer et qu'ils s'imposeraient bien volontiers en vue des améliorations projetées, soit la construction d'une maison d'école, soit l'ouverture d'une voie commode pour aboutir à Sailhan, la commune la plus voisine, qui sépare Ens du bassin de la vallée, consisteraient en prestations volontaires et fournitures de bois et d'ardoise pour la maison d'école.

Je dirai en terminant que les douaniers viennent quelquefois se blottir derrière quelque roc des montagnes d'Ens, où se trouvent plusieurs défilés conduisant en Espagne. Là, ils attendent tranquillement leur proie au passage ; mais les contrebandiers qui sont d'ailleurs en petit nombres depuis qu'on a donné de l'extension à l'importation, ont de bons yeux et fuient prudemment ces alguazils, ne se mettant jamais en évidence.

Dans le temps, lorsqu'une rencontre avait lieu, le sang coulait assez souvent.



Ens, le 14 avril 1887

L'instituteur public

Trescazes




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© Marie-Pierre MANET









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