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Histoire du couvent et de l'Eglise des Carmes.
commune de Tarbes
Hautes-Pyrénées
département 65
.



Sceau
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Les débuts du couvent des Carmes :

Suivant l'extrait du manuscrit Status Couventus présenté en 1662 par P. Richard, prieur de l'Ordre, à la fin de son trienne, devant les Frères assemblés :

" L'an mil deux cent cinquante-six, le roi de France saint Louis ramena avec lui, de la Terre-Sainte à Paris, six moines du mont Carmel. En 1280, ces religieux vinrent en Aquitaine, deux d'entre eux se rendirent en Bigorre dans le but d'établir leur domicile dans la ville et cité de Tarbes. Ils purent fonder un couvent, grâce à la libéralité des seigneurs, à la piété du peuple et aux aumônes qu'on leur fit. Les honneurs dus au fondateur sont attribués au seigneur marquis de Bazillac ; mais les habitants de Tarbes y prétendent aussi de leur côté " [1]

L'évêque et le chapitre de Tarbes leur donnèrent licence d'avoir église et cimetière hors ville ; la bulle en faveur du frère Sertorius, prieur de la communauté, est à la date du 12 septembre 1282.

Le terrain choisi pour cette fondation dont les dépendances étaient assez vastes, appelé bourg crabé (chevrier), était aussi encarnadé, et plus tard Portal Devant, était complètement isolé en dehors des murs, tours et fossés qui protégeaient chacun des bourgs dont l'ensemble formait la ville de Tarbes.

" Les bêtes mortes étaient jetées sur les places, les fumiers batis à côté des églises, si bien qu'il devint fort incommode pour les carmes de célébrer les services religieux dans la chapelle aujourd'hui détruite de Notre Dame du Mont Carmeln sise au sud de l'église. La place voisine était bourbeuse, pleine de fumiers ; chaque voisin s'en servait comme il l'entendait : c'était l'endroit appelé cimetière des Huguenauts. Il fallut remédier énergiquement à ces désordres qui aurait pu fort bien ramener la peste dans la ville. "

Ainsi placée, la nouvelle église allait être exposée presque sans défense aux attaques des maraudeurs et des routiers ; tandis que les églises de Saint Jean et de la Sède, sises l'une et l'autre à l'abri de dolides fortifications, au milieu de bourgs très peuplés, ne pouvaient être abordées de force qu'à l'aide d'un siège régulier.[1]

Les carmes passaient pour pauvres : cette seule renommée suffit longtemps pour les protéger.[1]

En 1466, des brigands armés abîmèrent notre couvent et l'église.

En 1474, Gaston de Foix, prince de Navarre et comte de Bigorre, donna deux cents écus d'or pour reconstruire les murs du grand autel et la voûte.

En 1569, le comte de Montgommery, commandant les troupes de la reine Jeanne, princesse de Navarre... n'épargna ni le couvent ni l'église.

Le 15 janvier 1576, Jean de Bazillac attribua par testament une rente annuelle de cinquante livres au couvent en qualité de fondateur.

La voûte du grand autel est en pierre, le reste de l'église en brique... jour et nuit une grande lampe d'argent s'y trouve allumée.

Il y a dans l'église trois chapelles. A droite, celle vouée à Notre-Dame-du-Mont-Carmel ; là est en vigueur la dévotion du saint scapulaire, l'autel décoré de peintures, la voûte en pierre, une lampe d'argent en font le principal ornement. À gauche, la chapelle de St Joseph, où l'on voit les tableaux des saints mystères, est fréquentée non seulement par les habitants de Tarbes, mais par une foule de confrères étrangers.

Au milieu de l'église, du côtédroit, la chapelle de Notre Dame des Agonisants. Il y a a encore au fond de l'église, du côté de l'Évangile, une autre petite chapelle sous le vocable de Notre-Dame de Pitié.

Au fond de l'église se dresse le clocher, remarquable par sa structure et son élévation : il est de pierre et de brique.

Dans le cloître, à colonnes et chapiteaux en très beau marbre jaspé, est la chapelle St Eutrope, évêque et martyr. C'est là que se tient notre chapitre d'âge en âge. A côté, dorment nos frères et plusieurs personnes des deux sexes qui ont mérité cette faveur.
.

Après le cloitre, attenant à l'église au nord-est, s'étendaient à l'ouest et au nord les jardins et le magnifique enclos des carmes, planté de vignes.

Le bien immobilier des religieux comprenait quelques places ferm´es de murailles, situées à l'entour de l'église et des murs du couvent, une métairie appelée de Dimbarre, un moulin et 18 journaux de terre au quartier de la Sarre.[1]

Les seigneurs de Bazillac ont de tout temps joui dans le couvent des plus grands privilèges et particulièrement du droit exclusif d'être enseveli sous le chœur de l'église.

De plus, chaque année, les moines témoignaient leur gratitude et reconnaissaient leur dépendance par une visite traditionnelle qu'ils rendaient aux seigneurs de Bazillac.

Dans une page qui nous prouve bien que l'histoire romancée n'est pas une invention de notre siècle, les Nouvelle Béarnaises nous décrivent la visite en ces termes :


" Le 25 novembre de chaque année, jour de la Sainte Catherine, alors que les feuilles jaunes des arbres tournoyaient dans les eaux froides de l'Adour, on voyait passer les Carmes de Tarbes, le capuchon rabattu, chantant des hymnes et se dirigeant, le long du fleuve, vers le château de Tostat, résidence des seigneurs de Bazillac, pour y dire l'office. Le baron attendait les moines debout sur le seuil de sa porte, au-dessus de laquelle était sculptées ces armes, au tourteau de gueules, au lion d'azur, ayant pour support de dames portugaises. "


Les moines se rendaient alors à la chapelle du château pour l'office et, à la fin, le seigneur faisait, dit Larcher, une aumône générale.

Tout cela suppose évidemment de la part de Vital de Bazillac une générosité qui ne dut sans doute pas se borner à la seule offrande des précieuses reliques apportées de la croisade.

Quoiqu'il en soit, les seigneurs de Bazillac et les habitants de Tarbes entre lesquelles cette double prétention au titre de fondateur devait être la cause d'une longue rivalité, restèrent fidèles aux Carmes et toujours les aidèrent généreusement.

Cela d'ailleurs n'enrichit pas les moines : le couvent resta longtemps très pauvre et la vie y fut rude.

La pauvreté du couvent des Carmes, à ses débuts, s'explique dans l'acte de fondation.

Dans l'accord de 1282, le Père Sertorius s'était engagé, en effet, en son nom et au nom de ses successeurs, à :

" céder à l'évêque est au Chapitre la moitié des offrandes qui seraient faites dans l'église et dans le cimetière. " Il avait accordé également " la moitié des legs et dons de toutes sortes : pain, argent, chevaux, armes, étoffes ou ornements, excepté la moitié des repas et pitance quand on en léguerait pour les sépultures. "


Et, pour assurer la parfaite exécution de ses promesses, il avait été décidé, en même temps, que, chaque année, le prieur et le sacristain du couvent, jureraient sur les Saints Évangiles de rendre un compte exact de leurs biens.

L'évêque et les membres du chapitre étaient prudents ! La " sainte pauvreté " pratiquée ainsi durant de longues années ne nuisit pas au développement de la communauté de Tarbes, au contraire !

Le couvent des Carmes fut, dès son origine jusqu'à la fin, un très beau couvent, l'un des plus beaux et des plus importants de la Province ; il fut aussi l'un des plus réguliers et le noviciat qui y demeura installé lui valut toujours la présence d'hommes remarquablement pieux et instruits.

Cette pauvreté eut un autre résultat : elle assurera au couvent la paix et la sécurité extérieures pendant près de deux siècles.

La situation des religieux en dehors des murs de la ville était bien dangereuse dans un temps où les coups de main des pillards et des routiers routiers étaient forts communs en Gascogne. Tant qu'on les crut pauvres, on les laissa prier et vivre en paix.

L'église des Carmes :



Du couvent primitif et de son église, nous ne savons absolument rien. Ils furent détruits en 1466 par une bande de routiers qui sillonnaient la Province et qui mirent à sac, avant de les ruiner, beaucoup de nos églises et de nos abbayes.

Les récits qui font seulement allusion à ce désastre parlent d'une destruction complète. Nous croyons cependant que les murs de l'église restèrent en partie debout, spécialement les murs de chevet avec leurs contreforts, qui accuse le XIVe siècle, et probablement aussi les colonnes intérieures qui soutenaient la voûte de la nef.

C'est, du moins, ce que nous permet d'affirmer un dessin de Desmoulins, et daté de 1839, et qui indique à la place des pilastres actuels des faisceaux de colonnettes.

Quoi qu'il en soit, d'ailleurs, les Carmes réparèrent sans retard le dommage. En 1474, Gaston IV de Foix, roi de Navarre et conte de Bigorre, grands bâtisseurs de châteaux et d'églises, donna aux moines deux cents écus d'or.

L'église fut donc réédifiée et avec elle son clocher. L'abside fut dotée d'une élégante voûte en briques, qui existe encore, et qui porta la clé des armes du généreux Gaston IV.

Nous ne pouvons affirmer que la voûte de la nef ait été construite en briques. Nous savons seulement qu'au XVIIe et XVIIIe siècle une partie au moins était en bois. Mais ce qui est sûr, c'est que les constructeurs du XVe siècle adoptèrent la voûte d'arête et non pas la voûte en berceau, comme le fit maladroitement la municipalité chargée de la restauration de l'église en 1841.

En effet, comme on peut s'en rendre facilement compte en passant sur la place Marcadieu, la façade méridionale présente entre chacun des contreforts d'immense ogives aveuglées, dont la pointe atteint presque les combles. Ce sont là, les anciennes fenêtres, semblables à celle du chœur, et qui devait donner à la chapelle des Carmes un cachet d'élégance et de légèreté, assez rare dans notre région.

Une étude comparative de notre église et de " l'église sœur " des Carmes de Trie dissiperait d'ailleurs les doutes à ce sujet.

À quel moment ces fenêtres ont-elles été réduites ? Nous avons de sérieuses raisons de croire que ce fut à la fin du XVIe siècle, après le pillage et l'incendie de l'église et du couvent par les Huguenots.

La misère régnait alors en Bigorre, et à Tarbes plus que partout ailleurs. Les moines, se voyant sans doute dans l'impossibilité de remplacer les verrières, aveuglèrent en grande partie les hautes et larges baies gothiques.

Par ignorance et par maladresse, les constructeurs de 1841 maintinrent et aggravèrent cet état de choses, et c'est pourquoi tant de fidèles ont de la peine aujourd'hui (1935) à suivre sur leur missel les prières de l'office.

Qui nous restituera dans sa primitive beauté le vaisseau autant baigné de lumière que conçurent jadis les bâtisseurs du XIVe et du XVe siècle ?

La démolition du couvent et de la chapelle du mont Carmel ainsi que les travaux de restauration exécutés au début du XIXe siècle ont modifié sensiblement le plan de l'église. Celle-ci avait une sorte de transept qui lui donnait la forme d'une croix latine très régulière.

Deux chapelles profondes s'élevaient, en effet, de chaque côté du choeur. L'une, la chapelle de Saint-Joseph, se trouvait à gauche ; elle s'abritait sous le toit du couvent qui occupait la place actuelle dite de la volaille. Notre chapelle, dédiée à Notre-Dame du Mont Carmel, s'ouvrait à droite, à côté des stalles et s'étendait sur le petit jardin du Macadieu d'où l'on aperçoit, d'ailleurs l'arcade d'axée, murée en 1814.

Cette chapelle, dont nous dirons plus tard l'histoire, datait, comme l'église, du XVe siècle. Elle était spacieuse : un plan détaillé nous apprend qu'elle mesurait 8,15 m de profondeur et 5,95 m de largeur. Elle était belle aussi ; sa forme semi octogonale, ces robustes contreforts et sa voûte en maçonnerie en faisait une jolie réduction du chevet de l'église.

D'autres chapelles avaient été disposées le long des murs de la nef, entre les piliers, et elles n'avaient qu'une médiocre profondeur.

Le clocher fut construit probablement en même temps que l'église ou à peu près, à la fin du XVe siècle ou au début de ce XVIe, ainsi que l'atteste le style de l'ensemble du monument et les meneaux encore bien conservés des fenêtres.

Il possède à la hauteur de l'horloge une curieuse voûte largement ouverte en son centre par le libre passage des cloches et il se fait remarquer par quelques détails d'une ornementation élégante et sobre qui a suivi malheureusement les atteintes du temps et plus encore celle des hommes. On parle de la réparer.

C'est l'information est exact, nous dédions à qui de droit ces remarques d'un ami des vieilles églises de Bigorre, le regretté L. Caddau, ancien architecte départemental des monuments historiques ;

" La décoration de la flèche des Carmes a disparu, sauf quelques crochets et des fragments d'une découpure en pierre placée à sa base. La galerie supérieure a été complètement dégradée par des mains maladroites ; c'est mâchicoulis ont disparu sous une épaisse couche de mortier, comme la corniche elle-même, et les gargouilles qui rejetaient les eaux n'existent plus " !



Puissent les architectes chargés des réparations de conserver ce qui reste de l'antique clocher et, si c'est possible, dégager les parties noyées dans les crépis et les mortiers.

Les guerres de religion :



Les guerres de religions qui ruinèrent notre malheureux pays de Bigorre n'épargnèrent pas le couvent des Carmes. De 1569 à 1574, la ville de Tarbes fut livrée plusieurs fois au pillage et à l'incendie et ses habitants chassés ou massacrés par les Huguenots de Jeanne d'Albret.

Au cours d'une première visite, les protestants conduits par Gilbert de Lorges, Conte de Montgommery, de sinistre mémoire, saccagèrent la ville et mirent le feu au couvent et aux églises.

" Celui des Carmes, a dit un témoin, fut mis totalement en ruine et abattu, les autels et piliers, ainsi que les joyaux et ornements du culte. "


Il fut dit, un autre :


" rendu inhabitable et entièrement ruiné et dans le bourg de Portail-Davant des maisons furent mises à fleur de terre ! "


Montgommery n'aimait pas les moines. On raconte qu'à son passage à Trie, il noya dans un puits tous les Carmes de cette ville à l'exception du prieur qui était son parent ; en considération des liens de parenté qui l'unissaient à lui, et lui accorde la faveur de n'être pas traité comme les autres : il le fit pendre à la porte principale du couvent.

Les Carmes de Tarbes, plus heureux que leurs frères de Trie, purent fuir avant l'arrivée de Montgommery, mais nous ne sommes pas sûrs qu'ils aient échappé un peu plus tard aux brutalités de son lieutenant Montanat. Celui-ci semble s'être acharné tout particulièrement à anéantir la ville de Tarbes. Il s'en empara à deux reprises, brisant toutes les résistances grâce à la supériorité numérique de sa troupe et aussi grâce à la ruse.

Nous n'avons pas à écrire ici cette page la plus douloureuse de notre histoire locale. Toutefois le sort du couvent était ici lié à celui de la ville, le résumé de ces faits lamentables s'impose, si l'on veut saisir la détresse des Carmes en ces tristes jours et la désolation matérielle de leur couvent et de leur église.

S'il faut en croire Mauran et les signataires d'une enquête établie en 1575, après la prise de Tarbes,


" il n'y restera plus aucun de tous ceux qui avaient soutenu le siège, qui ne fut tué ou détenu prisonnier ; et les prisonniers furent après massacrés de sang-froid. Et demeurera la ville de Tarbes pleine de corps morts ! "


" Les hommes et les femmes des prochains villages s'assemblèrent, et ayant amassé les habits, armes, anneaux et autres choses que les Béarnais n'avaient eu loisir de prendre, comblèrent de corps morts les fossés et les puits et employèrent environ huit jours en ce funeste office. "


Et Mauran ajouta :


" depuis en ça, la ville de Tarbes demeura sans habitants et l'herbe crut par les rues comme en un pré, qu'était chose fort déplorable à voir, et passèrent trois ans entiers durant lesquels il n'y eut aucune garnison. "


Que penser des religieux Carmes après cela ? Étaient-ils revenus au lendemain des premiers désastres ? Faut-il les compter parmi les gens d'église dont les enquêtes nous assure qu'il fut fait grand massacre ? Nous ne savons rien de précis, non plus que de la situation du couvent au cours des années qui suivirent la Paix de Saint-Germain (1570).

Nous n'entendons plus parler de lui qu'en 1574, date à laquelle les passions politico-religieuses se trouvant de nouveau déchaînées, Tarbes subit un quatrième désastre.

Le héros de l'aventure fut cette fois encore un chef de bande du nom de Lysier. Par lui, la ville de Tarbes adroitement surprise au matin du 12 mars 1574, revécu des heures de cauchemar que l'on croyait à jamais abolies. Lysier, fils d'un charcutier, comme dit Mauran d'un graisseux se montra digne de ses devanciers et pour raconter les excès de ses soldats, les signataires de l'enquête ne savent que rééditer les expressions des précédents récits :

" Tuèrent et massacrèrent plusieurs habitants tant ecclésiastiques que d'autres. "



Lysier mourrut bientôt assez lamentablement au cours d'une sortie. Encouragés par ce succès, les catholiques sous les ordres de M. de Grammont firent à leur tour le siège de Tarbes que défendait maintenant un nommé Brun, lieutenant de Lysier.

L'attaque débuta le 8 mai, par la prise du couvent des Carmes où Brun avait posté quelques-uns de ses hommes. Cet assaut vivement mené acheva la ruine des bâtiments dont il ne resta plus que les murs.

Le Bourg-Neuf fut enlevé le soir même et le lendemain, les troupes de M. de Grammont s'installèrent au pour Bourg-Vieux. Dans la nuit, les Huguenots, prient de peur, l'avaient abandonné et s'étaient enfuis en Béarn d'où ils ne devaient plus revenir.

Le redressement après l'épreuve :



Avec le XVIe siècle s'achève l'ère des brigandages et des guerres. L'avènement de Henri IV ramène le calme dans les esprits et apaise les querelles religieuses si funestes en Béarn et en Bigorre.

C'est à peine si, en 1615, on enregistre une alerte qui n'eut pas d'ailleurs de suites graves. À cette occasion, le consul du Portal-Devant est chargé par le conseil de la ville de tenir un veilleur au clocher des Carmes,

" qui sonnera la cloche à chaque homme à cheval qu'il verra arriver, savoir un coup de cloche afin de donner à entendre le nombre de gens à cheval et donnera l'alarme avec ladite cloche s'il observe une grande troupe de gens de guerre. "

À cette époque, l'état du couvent est lamentable comme d'ailleurs celui de la plupart des couvents et des églises du diocèse. C'est partout la ruine et la misère et, de plus, on est las de construire des monuments voués à des destructions si rapides. Aussi, les fidèles se contentent-ils de réparer les murs sans grand souci artistique, préférant apporter leurs soins à l'ornementation des autels si sauvagement saccagés et brûlés par des Huguenots.

Et c'est ce qui explique en partie la pauvreté de nos édifices religieux de la Bigorre, leur insignifiance et aussi la curieuse floraison d'art décoratif à l'intérieur de nos églises.

À dire vrai, les grands travaux qui ont fait du couvent des Carmes l'un des plus beaux couvents de la région datent du milieu du XVIIIe siècle ; mais les moines n'entendirent pas cette époque pour effectuer des restaurations nécessaires.

Dès que leurs ressources le permirent, ils ornèrent le chœur de boiseries et de tableaux représentant les docteurs de l'Église et les saints de leur ordre et, pour séparer le chœur de la nef, ils firent placer une balustrade en bois qui, sans doute, servait de table de communion. Ils commandèrent également un autre autel en bois doré, orné d'un grand retable représentant la Sainte-Vierge, les Prophètes et les Évangélistes. Enfin, ils complétèrent cette décoration par l'aménagement des deux chapelles dédiées à Saint-Joseph et à Notre-Dame du Carmel.

Les ressources d'ailleurs ne manquent guère. La chapelle tend à devenir, si j'ose dire, à la mode ; les nobles et les bourgeois sollicitent la faveur d'être inhumés dans l'église des Carmes et, sur les testaments, l'expression de ce désir s'accompagne toujours de dons généreux à la communauté.

Bientôt, le sol des chapelles est entièrement occupé par les , tandis que les murs se couvrent d'épitaphes et de mausolées.

Le 15 décembre 1936, en creusant une longue tranchée sur l'emplacement des chapelles situées au nord de l'église, des ouvriers ont soulevé de nombreux ossements. J'ai voulu leur expliquer qu'ils remuaient les restes de quelques-uns des seigneurs et des bourgeois les plus cossus de la bonne ville de Tarbes, au XVIIe siècle ; cette révélation n'a point paru les émouvoir outre mesure.

En fait, en l'An de Grâce 1936, est-ce que ça compte, des seigneurs et des bourgeois, fussent-ils seigneurs et bourgeois du Grand siècle ?

Les sépultures avec les à des Carmes :



La question des sépultures retient une place importante dans l'histoire des Carmes de Tarbes au XVIIe et XVIIIe siècle. Elle donna lieu à de nombreux et retentissant procès dont l'un ne prit fin que sur la décision suprême du Conseil d'État. Plusieurs seigneurs et bourgeois de la ville et des environs obtinrent, nous l'avons dit, la faveur d'être ensevelis dans l'église des Carmes. Le marquis de Bazillac avait le droit exclusif de reposer dans le sanctuaire de l'église ; les seigneurs de Sansous jouissaient du même privilège dans la chapelle de Notre-Dame du Mont-Carmel.

La reconnaissance officielle de ces droits valut à la dépouille de Gabrielle de lansseran, épouse du seigneur d'Ours, une série d'aventures dont nous nous faisons difficilement une idée aujourd'hui. Le corps de cette dame inhumée une première fois dans la chapelle de Notre-Dame, fut retiré de cet endroit à la suite d'une opposition de la famille de Sansous. Voulant alors lui accorder une sorte de compensation, les Carmes l'ensevelissent dans le presbytère, c'est-à-dire dans le chœur de l'église.

Le Marquis de Bazillac, informé, exigea le retrait de la dite Dame d'Ours de ce qu'il dit être le tombeau de sa famille. Un procès suivit par devant le parlement de Toulouse qui donna gain de cause au Marquis et condamna les Carmes et la Maison d'Ours à 500 livres de dommages-intérêts.

Le Marquis se montra généreux envers les moines : et les dispensa de payer.

Un autre procès qui fit grand bruit est celui qui mit les Carmes aux prises avec le Clergé de Saint-Jean, en 1772. Celui-ci ne voyait sans déplaisir les plus brillants de ses fidèles délaisser la vieille église de Saint-Jean pour la chapelle plus élégante du couvent.

Dans la seule année 1770, sur 99 défunts de la paroisse, 21 furent inhumés au Carmes.

Le curé de Saint-Jean sollicita donc de l'évêque une ordonnance ferme qu'aucune cérémonie de sépulture ne serait faite au Carmes si la levée du corps n'était présidée par le Clergé de la paroisse ; et il exprima le désir que cette décision fut appliquée à la Dame de Barry qui venait de mourir.

L'évêque fit droit à la demande. Cette décision ne convint point au mari qui résolut de se passer des services de son curé. Il provoqua en ville une sorte de manifestations hostiles ; il fit porter le corps devant la chapelle des Carmes qu'une foule curieuse assiégeait. Et, comme les moines avaient fermé la porte pour se conformer à l'ordonnance de l'évêque, le sieur de Barry aidé de la foule, enfonça la porte et pénétra dans la chapelle.

Les Carmes procéderont alors à la cérémonie des funérailles.

Le curé de Saint-Jean soutenu par l'évêque accusa les Carmes de complicité et les fit condamner par l'official de Tarbes.

La ville prit le parti des moines et, avec eux, fit appel comme d'abus. L'affaire fut évoquée en conseil d'État et, finalement, le roi débouta le syndic des Carmes et celui de la ville de leur appel et il les condamna aux dépens, le 12 décembre 1722.

On le voit, l'histoire des démêlés de Sainte-Thérèse avec Saint-Jean est une vieille histoire.


© R.G

Église Sainte-Thérèse d'Avila
(Toute l'actualité paroissiale N° 85-86-87-88)





Notes

[1]Souce : gallica.bnf.fr
Bibliothèque Nationale de France
Les églises de Tarbes - Première notice
L'église Sainte Thérèze (Carmes)
Th Telmon - Imprimeur Editeur - 1864



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© Marie-Pierre MANET







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